Facebook, ou la force des liens faibles

Comme une partie de plus en plus importante de la jeunesse désœuvrée et rebelle à laquelle j’appartiens, je traîne à mes (rares) moments perdus sur le fameux site dont tout média de référence se doit de parler en ce moment, je veux bien évidemment parler de Facebook. Je regarde les pages de mes « friends », « poke » et « superpoke » à l’occasion, rejoins des groupes comme « j’écoute des MP3 sans chaussette » ou défend des causes qui vont de « Stop Global Warning » à « Libérez Magenta ». Perte de temps que tout cela… Hum… pas si sûr.




Le capital social (1)

Voici un beau prétexte pour vous parler d’une de mes notions préférées : celle de capital social. Celle-ci va nous occuper le temps de deux notes, qui me permettront de détailler les deux dimensions de ce concept. Pour l’instant, je me fixe pour objectif de montrer que Facebook n’est peut-être pas utile seulement aux grands groupes qui rachètent à peu de frais des bases de données marketing.

1. Le capital social, qu’est-ce que c’est ?

On présente généralement la notion de capital social en disant que celui-ci est constitué par le carnet d’adresse de l’individu. J’ai cependant peur que cette présentation soit de moins en moins parlante à des générations pour qui le concept même de « carnet » peut sembler étrange… Aussi, il vaudrait mieux dire que le capital social est constitué de l’ensemble du répertoire de votre téléphone portable, de vos contacts MSN ou de vos amis sur Facebook (ou sur MySpace ou Hi5, etc.).

Qu’est-ce que cela veut dire ? Simplement que, pour l’individu, ses relations avec d’autres individus constituent autant de ressources qu’ils peut mobiliser à l’occasion pour obtenir un avantage quelconque dans la vie sociale. Imaginons, puisque c’est d’actualité, qu’un jour de grève dans les transports, vous ayez besoin d’un vélo pour vous rendre au travail. Si vous avez un ami disposé à vous en prêter un, alors votre capital social vous permet d’obtenir ce vélo. Pour le dire de façon encore plus rigoureuse, le vélo en question fait partie de votre capital social.

On peut ainsi définir le capital social comme l’ensemble des ressources qu’un individu peut obtenir au travers de ses relations sociales. Ce capital existe toujours de façon potentielle : il faut le mobiliser à un moment donné pour le rendre efficace. Mais avant cela, il faut l’avoir accumulé, ce qui s’apparente à un investissement : tisser et entretenir des liens avec d’autres personnes a un coût en termes de temps et d’énergie, même si on y consent souvent avec le plus grand plaisir. C’est pour cette raison que l’on parle de capital.

Prenons un exemple à vocation pédagogique en considérant la saison 1 de la série Prison Break. Petit rappel pour les incultes qui aurait omis de regarder M6 régulièrement : Michael Scofield, enfermé dans la prison de Fox River, cherche à s’évader avec son frère, condamné à mort pour un meurtre qu’il n’a pas commis. Pour réaliser cette évasion, il dispose d’un certain nombre de ressource, en particulier les plans de la prison tatoués sur son corps. Mais il a également besoin de ressources supplémentaires dont il ne dispose pas par lui-même : un gros paquet de dollars, un avion qui les attendra à la sortie, l’accès à certaines zones de la prison, etc. Pour cela, il a besoin de rentrer en relation avec d’autres prisonniers, par exemple John Abruzzi, parrain de la mafia, ou Charles Westmoreland, qui a caché un sacré magot quelque part dans le pays. Il doit donc intégrer ces individus dans son capital social. Cela a un coût : pour convaincre Abruzzi de lui donner ce qu’il veut, Michael Scofield devra par exemple sacrifier quelques orteils… Mais c’est au final la mobilisation de ce capital social qui lui permettra de réussir son évasion.

(J’en profite pour inviter tout collègue économiste qui passerait par là à proposer une interprétation de cette même série, et spécifiquement de la première saison, à partir des théories de l’entreprise, comme la théorie de l’agence par exemple. Je suis sûr qu’il y aurait beaucoup de chose à dire, mais comme j’ai choisi de consacrer ce blog à la sociologie, je ne peux le faire moi-même)

Bref, au final, le capital social est constitué de tous ces avantages et ces ressources que nous apportent nos multiples inscriptions dans des réseaux de relations divers. Selon Bourdieu [1], on peut en donner la définition suivante :

« l’ensemble des ressources actuelles ou potentielles qui sont liées à la possession d’un réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées, d’interconnaissances et d’interreconnaissance »

C’est pour cela que je parlerais de capital culturel « à la Bourdieu ». La prochaine note sera l’occasion de présenter une autre conception du capital social, qui met l’accent sur la confiance propre à un groupe d’interconnaissance et la façon dont celle-ci permet les échanges et la vie du groupe.

2. La puissance du capital social

A quoi sert ce capital ? A beaucoup de choses. Par exemple, à trouver un emploi. C’est là l’un des apports de la sociologie économique de Mark Granovetter [2]. Selon lui, il faut, d’un point de vue théorique, « réencastrer » les faits économiques dans le social. Affirmation qui a tendance à faire bondir certains économistes qui y voient une façon de lever la rationalité de l’individu. Nous allons cependant voir qu’il n’en est rien.

D’après son enquête « Getting a Job », réalisée sur des cadres américains, la plupart des postes – 56% pour être tout à fait exact – s’obtiennent par le biais de relation. Cela ne veut nullement dire que le piston est généralisé. C’est là un comportement rationnel (voilà nos amis économistes rassurés).

Pourquoi est-ce rationnel ? Du côté de l’employeur, il y a une évidente asymétrie d’information. Pour un poste donné, il y a un nombre important de candidats qui se présentent. Comment savoir lequel est le meilleur ? On peut comparer les CV, chercher des signaux (diplômes, expériences professionnelles, autres). Mais il est toujours possible de mentir sur con CV, de rester vague, et la vérification de chaque information a un coût, en temps et en argent. Aussi, l’employeur peut recourir à la recommandation de la part d’un de ses employés, qui lui donne en quelque sorte une garantie de la qualité de son ami ou connaissance. C’est une autre application de la théorie du signal.

Du point de vue de l’employé, la recherche d’emploi passe par une double recherche d’information : l’existence d’un emploi vacant proprement dit, d’une part, et la nature et les exigences de l’emploi, d’autre part. Il peut passer par des institutions spécialisées ou par les petites annonces. Mais finalement rien n’est plus efficace que d’avoir un « contact » dans l’entreprise. L’information se diffuse beaucoup mieux en suivant les réseaux d’amitié et de relations qu’en suivant les réseaux artificiels des institutions.

Tout cela montre la nécessité de considérer les relations économiques comme encastrées dans le social. Le marché du travail n’est pas un simple lieu de rencontre anonyme entre l’offre et la demande de travail, mais apparaît au contraire comme socialement construit. Cela ne disqualifie en rien le raisonnement de la science économique classique, mais invite simplement à raffiner certains éléments pour mieux prendre en compte le rôle des relations sociales dans l’économie.

Qu’en est-il en France ? Michel Forsé a testé le rôle du capital social dans l’obtention d’un emploi à partir de l’enquête « Emploi » de 1994 [3]. Il montre que les réseaux de connaissances jouent un rôle important dans l’obtention d’un emploi, via un raisonnement toutes choses égales par ailleurs (c’est-à-dire en neutralisant, statistiquement, le rôle des autres variables, ce qui permet de raisonner, par exemple, à niveau de diplôme équivalent). La mobilisation des relations sociales accélère l’obtention d’un emploi. Si son effet est inférieur à celui du diplôme, il est supérieur à celui de l’origine sociale (et donc du « capital culturel » qui s’y rattache, ce qui va à l’encontre du raisonnement de Bourdieu qui faisait du capital social un simple reflet du capital culturel). Cependant, la pratique est un peu moins courante dans l’enquête française que dans celle de Granovetter : seulement 33% des personnes interrogées déclarent avoir obtenu leur emploi par relation. Il souligne cependant que son rôle est en forte augmentation depuis la crise.

3. Et Facebook dans tout ça ?

Oui, et Facebook dans tout ça ? Vous l’aurez sans doute compris par vous-même : Facebook, comme l’ensemble des autres sites de réseaux du même type, constitue une objectivation du capital social. Et le fait de « traîner » sur Facebook est un moyen comme un autre d’entretenir, voire éventuellement d’étendre, son capital social.

Oui, mais… oui, mais, me diront les plus vigilants de mes lecteurs, sur Facebook, on peut difficilement classer l’intégralité des personnes que l’on met dans son réseau comme des relations proches. Je ne dirais pas le contraire. Comme tout le monde, je pense, j’ai, parmi mes « friends » des gens qui sont plus des connaissances que des amis : je les apprécie, on peut s’envoyer des messages amusants, ce genre de chose, mais nous n’entretenons pas de relations fortes et régulières. Il y a fort à parier – bien que cela mériterait une démonstration rigoureuse que le manque de données m’interdit de faire – que plus le réseau Facebook d’un individu s’étend, plus la part de « connaissances » croient au détriment de la part des « amis ».

Comment alors penser que ce réseau puisse apporter quoi que ce soit d’important à l’individu ? Des individus éloignés et avec qui l’on entretient que des relations épisodiques peuvent-ils sérieusement être considérés comme des éléments importants du capital social ? Ne retomberait-on pas dans la perte du temps évoqué au début de cette note ?

C’est là que la sociologie économique parvient à un résultat contre-intuitif (mes collègues économistes doivent être à la fête : ils adorent ce genre de choses). En effet, ce sont les relations de type « connaissances » qui sont susceptibles d’apporter le plus à l’individu, comparativement aux relations de type « ami ». Si on distingue entre les liens « faibles » (connaissances, personnes que l’on voit peu, de façon irrégulière, et avec qui on partage peu) et les liens « forts » (l’exact contraire, donc), on est en droit de parler, avec Mark Granovetter, de « la force des liens faibles » [4].

L’explication est, comme souvent, relativement simple, ce qui ne fait que masquer ses difficultés d’invention et de démonstration. Considérons un individu A intégré dans deux réseaux de relations : un réseau de liens « forts » (sa famille, ses amis d’enfance, etc.) et un réseau de liens « faibles » (des amis d’amis, des anciens camarades de classes, d’université ou d’école, des rencontres épisodiques, etc.). Il faut considérer deux choses : premièrement, dans le réseau « fort », les différents individus vont être relativement proches socialement (même secteur d’activité, même type de profession, mêmes goûts, même milieu social, etc.), deuxièmement, et de ce fait, une information diffusé sur ce réseau susceptible d’intéresser A risque d’être assez rapidement « interceptée » (utilisée) par un autre.

Par comparaison, le(s) réseau(x) « faible(s) » peuvent apporter à l’individu une information auquel il n’aurait pas eu accès dans son réseau « fort », et il s’agira plus souvent d’une information qui n’a pu être utilisée dans le réseau « fort » de la personne qui la transmet. Elle a donc plus de chance d’être valorisable, utilisable, pour A. Du point de vue des réseaux, le lien faible constitue un « pont » : il s’agit d’un lien unique qui relie deux réseaux plus denses (ou « cliques ») et par lequel on est obligé de passer pour faire son chemin d’un point du premier réseau à l’un du deuxième.

« L’importance des liens faibles proviendrait du fait que ceux qui sont des ponts locaux créent des chemins à la fois plus nombreux et plus courts » [4]

C’est effectivement ce qui se passe dans l’enquête « Getting a Job » : les relations professionnelles – liens « faibles » – s’avèrent beaucoup plus efficaces, dans la recherche d’emploi, que le réseau familial – liens « forts ».

« Dans de nombreux cas, le contact n’appartient en fait que de manière marginale au réseau courant de l’individu : c’est par exemple quelqu’un avec qui l’individu a fait ses études ou un ancien collègue ou employeur, avec qui l’individu a conservé des relations épisodiques » [4]

Bref, le capital social ne joue pas seulement en fonction de la taille du réseau de relations qui le constituent, mais également en fonction de sa forme. De ce point de vue, Facebook est un moyen d’influencer la forme de son capital social, en offrant une manière simple de gérer non pas ses liens « forts », mais surtout ses liens « faibles ». Et y compris lorsque l’individu connaît une mobilité importante, géographique ou professionnelle. Ainsi, Anne-Catherine Wagner rappelle que l’une des caractéristiques des classes sociales supérieures les plus intégrés à la mondialisation – et qui connaissent donc des mobilités géographiques importantes – est la capacité à gérer ses liens « faibles » par delà les frontières, autorisant ainsi la création d’un réseau cosmopolite d’une grande efficacité. Et ceci s’apprend dès l’école :

« Les écoles [de la bourgeoisie cosmopolite] sont le lieu d’une intense circulation : l’année scolaire est rythmée par les départs et les arrivées des uns et des autres en fonction des mutations professionnelles des parents. Les enfants apprennent à s’asjuster à cette mobilité incessante : ils sont incités à garder des contacts avec leurs camarades partis à l’étranger. Il faut savoir cultiver une sociabilité à distance dans ces milieux internationaux. C’est ce qui permet la constitution de réseaux amicaux durables qui pourront ensuite être utilement mobilisés, lors du choix du lieu des études supérieures par exemple » [5]

5. La sociologie, science des « écarts »

Cette dernière remarque nous invite à nous interroger sur ce qui fait, à mon sens, le cœur du projet et de la pratique sociologique : les inégalités et les différences. La base de la sociologie, de quelque façon dont on la définisse, reste, il me semble, de s’intéresser aux comportements des individus en tenant compte du fait que, puisqu’ils sont situés différemment dans l’espace social, ces comportements sont de ce fait différents. Comme le dit superbement Jean-Claude Passeron, « il n’y a de sociologie que des écarts » [6].

La gestion des liens « faibles » demande un certains nombres de ressources qui sont inégalement réparties dans la société. Cela est confirmé par le travail de Michel Forsé [3], qui insiste sur le fait que les catégories populaires mobilisent plus le réseau familial et les catégories supérieurs le réseau professionnel. Maintenant que vous connaissez la différence d’efficacité entre les deux, vous pouvez par vous-même en tirer des conclusions concernant les inégalités (je précise que je ramasserais quelques feuilles à la prochaine note, tenez-le vous pour dit).

De ce point de vue, Facebook et consorts ne changent pas grand-chose aux pratiques. Les catégories rompues à la maîtrise et à la gestion de leurs relations y trouvent un moyen supplémentaire, certes pratique et agréable mais certainement pas révolutionnaire, de gérer leur capital social. Pendant ce temps, il est douteux que ce genre de site ouvre la gestion du capital social et de ses liens faibles à des catégories qui n’y avaient pas accès jusqu’à présent. La plupart des articles de presse sur ce site ont souligné que les inscrits sont pour la plupart d’un bon niveau social. Evidemment, cela demanderait une vérification rigoureuse, qui pourrait mettre à l’épreuve mes différentes intuitions et hypothèses. Mais les données nécessaires à ce travail ne me sont pas accessibles, et j’ai d’autres projets en terme de recherches…

Toujours est-il que, maintenant, lorsque votre mère/copine/père/copain/mari/femme/colocataire/autre vous reprochera de perdre votre temps sur Facebook, vous pourrez lui répondre, triomphant, « pas du tout ! je bosse mon capital social ! ». Parce que la sociologie, ça sert aussi à ça…

Dans une prochaine note consacrée au capital social, nous verrons l’autre dimension de celui-ci, différente du capital social « à la Bourdieu ». Pour cela, je vous parlerai des différences de performances entre grandes écoles et universités… A suivre, donc.

Bibliographie :

[1] Pierre Bourdieu, « Le capital social : notes provisoires », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 1980.

[2] Mark Granovetter, Le marché autrement, 2000

[3] Michel Forsé, « Capital social et emploi », L’année sociologique, 1997

[4] Mark Granovetter, « The strength of weak ties », American Journal of Sociology, 1973

[5] Anne-Catherine Wagner, Les classes sociales dans la mondialisation, 2007

[6] Jean-Claude Passeron, Le raisonnement sociologique, 1993

Pour aller plus loin :

L’ensemble de cette note doit beaucoup aux deux ouvrages suivants, que je recommande pour leur simplicité et leur accessibilité sur des thèmes complexes :

Philippe Steiner, La sociologie économique, 2007

Pierre Mercklé, Sociologie des réseaux sociaux, 2004


23 commentaires:

Fr. a dit…

strenght <=> strength

-- Lecteur futile

Denis Colombi a dit…

@ Fr. : oups.

Le Bougnoulosophe a dit…

"ce qui va à l’encontre du raisonnement de Bourdieu qui faisait du capital social un simple reflet du capital culturel"
ah oui? Mais où as-tu donc lu ça?

Denis Colombi a dit…

Je n'ai pas le souvenir du passage ou de l'ouvrage exact. Peut-être le terme "reflet" est-il un peu fort... En tout cas, chez Bourdieu, le niveau de capital social est fortement lié au capital culturel, et n'a finalement pas un rôle particulièrement important à côté des deux grands types de capital (économique et culturel) qui fonde une de ses plus célèbres représentations de l'espace social. François Héran était d'ailleurs allé dans ce sens en montrant que la sociabilité (et donc l'entretien du capital social) est une pratique culturelle, c'est-à-dire dépendante du capital culturel de l'individu.

Le Bougnoulosophe a dit…

Dans la terminologie bourdieusienne, je crois qu'il faudrait plutôt parler d'"homologie"...

Denis Colombi a dit…

@ Bob : Certes. Mais ce blog a vocation à vulgariser la sociologie. Lorsque cela n'est pas utile - c'est-à-dire lorsque je ne présente pas directement un auteur - je préfère m'autoriser quelques simplifications de vocabulaire, sans rien relâcher sur la rigueur par ailleurs. Ici, mon but était de présenter Granovetter, pas Bourdieu.

Julien Cuny a dit…

Etant donne que je suis probablement un specimen integre aux "classes sociales supérieures les plus intégrés à la mondialisation" (francais cadre sup travaillant depuis deux ans au Canada et demenageant bientot pour la Chine).
Je me permets de dire, base sur ma propre experience, que c'est probablement linkedin qui est le reseau le plus utilise par les gens "comme moi" pour maintenir les "liens faibles" en tout genre.

D'ailleurs les cabinets de chasseurs de tetes ne s'y trompent pas et je recois grace a ce site des propositions que je ne recevrais probablement nul part ailleurs.

Anonyme a dit…

Dans ta partie 2 ("la puissance du capital social"), paragraphe 6, 3ème phrase , il me semble qu'il manque le mot "égales" après le début " [...] via un raisonnement toutes choses par ailleurs [égales]".
Sinon, merci pour l'analyse, très instructive pour la novice totale que je suis.

el ryu a dit…

Bravo pour cet article . C'est un sujet qui m'intéresse beaucoup. Je l'avais abordé d'une manière moins rigoureuse peut être pour ironiser sur la prise en compte de ce phénomène par l'ANPE.
Drucker-Baroin
un exemple pour tout les chomeurs

dimsum a dit…

merci pour cette analyse d'une exemplaire pédagogie... j'en m'en vais de ce pas la mettre en lien sur le ouall de mon profaïle que tous mes fraïnds de fesse-bouc puissent en profiter...
à un de ces jours dans un groupe genre "étude de l'influence de facebook sur le vocabulaire des utilisateurs non anglosaxons:-)"

Denis Colombi a dit…

@ Julien : il y a surement plein de réseaux que je ne connais pas et qui sont plus utilisés que le très médiatique Facebook. J'aimerais d'ailleurs parler, dans une prochaine note, de la mondialisation, un thème qui m'intéresse au plus haut point.

@ Anonyme : merci ! Je vais corriger ça.

Anonyme a dit…

Un meilleur exemple, c'est la MAFIA ! Les mafieux ont un énorme capital social. Je suis sérieux. Et ce sont les règles strictes et précises qui font la force de ce « réseau ».

Anonyme a dit…

aha, cher Facebook friend, je m'attendais bien à une note de ce style. Excellente comme d'habitude, de ces notes dont on aimerait être l'auteur. Bravo

Anonyme a dit…

Une question (peut-être objection, vous me direz) :
FB n'est-il pas qu'une singerie de constitution/entretien de capital social ?
Plus précisément, et pour paraphraser Bourdieu, "facebooker" n'est-il pas au "réseautage" ce que le skaï est au cuir (ou les valses de vienne au classique) ?
Bref, FB, réseautage du "pauvre" ?

Merci pour vos billets dont la lecture (comme celle des commentaires associés) est toujours enrichissante.

Denis Colombi a dit…

@ Cédric : au vu d'un échantillon forcément non représentatif des inscrits à Facebook, je ne suis pas convaincu que l'on puisse dire que c'est du réseautage du "pauvre". Beaucoup de grandes écoles y ont leur network par exemple. Je crois que ce qu'il est important de comprendre c'est que Facebook et Co ne produit pas de nouveaux réseaux (ou seulement de façon marginale) : ils ne font que s'appuyer sur des réseaux pré-existant dont ils offrent une objectivation. En termes d'entretien du réseau, ils offrent quelques avantages de simplification sans révolutionner les pratiques. C'est d'ailleurs sans doute ce qui explique qu'ils ne soient investis que par des catégories qui disposent déjà d'un capital social étendu.

Anonyme a dit…

Les sites de "social networking" sont l'une des plus belles preuves de la stupidité humaine actuelle: ils ne fournissent aucun service qui ne puissent être réalisé avec des outils plus simples et plus efficaces tout en représentant un véritable danger pour la vie privée. Pourtant tout le monde se jette dessus.

J'ai l'impression qu'il s'agit d'un mouvement général, mais je n'arrive pas à comprendre pourquoi les gens sont aussi prêt à abandonné leurs libertés et leurs droits fondamentaux?

Ellie a dit…

Très intéressant à titre personnel et pour mon rejeton qui est en 1ère ES option Sciences po.
Je note aussi "Linkedin" que cite Julien

Anonyme a dit…

J'ai l'intuition d'une mise en oeuvre dans les "réseaux sociaux" type FB de quelque chose de spécifique.
Le réseautage "aristocratique" se pratique "caché" (je résume un peu brutalement). L'industrialisation généralisée d'une telle pratique couplée à un abandon (plus ou moins important) de l'anonymat me fait dire "pauvre". Mais pauvre en quoi, that is my question.

Et quelle est la valeur d'une ressource sans rareté ?

J'attends la suite pour me constituer une meilleure représentation.

Anonyme a dit…

Salut Denis, je traînais par hasard sur ton blog, et je suis tombé sur ce post. Je confirme pour ce qui est du marché des affaires publiques à Bruxelles, tout est affaire de réseaux. Je connais quelques groupes stratégiques sur Facebook. "Lux Regulars" par exemple, pour les habitués des cafés de la Place du Luxembourg (et notamment du Ralph's bar). Il faudrait que j'écrive un article dessus !

100hp a dit…

En lisant cela, je me rappelle les critiques de Paul Veyne sur la sociologie. Ce que tu écris est intéressant, mais de la à dire que tu nous apprend autre chose qu'à mettre un peu de rigueur dans ce que l'on savait déjà... Quand à parler de concept "capital social", ça me parait faire peu de cas de ce qu'est un concept !

Ceci dit, la sociologie n'est peut être pas autre chose que de l'histoire contemporaine, mais les sociologues sont qu'en à eux utiles à tous, pour des raisons différentes de l'utilité des historiens : il me semble sain en effet d'avoir des personnes qui explorent les phénomènes humains en professionnel, avec un savoir faire dans l'exploration (culture et méthode), ce qui peut éventuellement déboucher sur une autre conception de la sociologie, comme construction d'un discours normé (laquelle, sont rôle social à ce discours ?) à l'attention des pouvoirs publics (Foucault).

D'ailleurs, la sociologie comme "science" des écarts, ça me parait un peu court. Les deux faits primitifs à mon sens, sont, d'une part, le besoin qu'à l'homme d'adapter son milieu pour le rendre plus humain (je te laisse définir ce qualificatif, d'autre part, le besoin de maintenir les constructions obtenues pour ne pas retourner à l'age de pierre. Donc à mon sens, le social est le lieu où le réel (physique) et l'homme se déploie l'un dans l'autre pour former ce que nous appelons monde. Ce qui laisse supposer que les différences sociales peuvent être constitutives des compétences des hommes. Ceci étant dit, l'existence d'écarts n'est plus une problématique pertinente...

Denis Colombi a dit…

Je ne suis pas, pour des raisons évidentes, un adepte de Paul Veyne. Mais franchement, l'idée de la "force des liens faibles" est simplement contre-intuitive : on pourrait penser, a priori, que les liens forts sont les plus utiles, mais Granovetter montre qu'il y a en fait tout lieu de penser que c'est les liens faibles. Et il ajoute même que ces liens faibles ont aussi une influence déterminante sur le comportement des individus, ce qui est aussi contre-intuitif. Je trouve toujours un peu facile de dire "ah, mais ça on le savait déjà" alors que personne ne l'avait dit avant...

Or, la simple existence d'un cas "contre-intuitif" suffit à légitimer toute la sociologie : certes parfois elle en viendra à dire ce que tout le monde savait déjà, mais comme il est également possible que "ce que tout le monde sait" soit faux...

La sociologie science des écarts permet de faire comprendre que la sociologie s'intéresse avant tout aux différences : pourquoi A n'agit-il pas comme B ? Comprendre cela revient à comprendre ce qui différencie A et B. J'ai du mal à comprendre la fin de ton message, mais j'ai précisé le sens du mot social dans un autre billet de ce blog.

100hp a dit…

1. Concernant mon interrogation sur la définition de la sociologie comme science des « écarts », c'est rapport à l'idée que la sociologie n'est pertinente que par la différence des comportements suivant la position dans l'espace social, sachant que cette position et le comportement peuvent être tous les deux liés aux capacités de l'individu (physique, intellectuelle, etc.), et non pas l'une à l'autre, je me demande si c'est une définition satisfaisante. On peut imaginer que la sociologie s'intéresse à la capacité des hommes à harmoniser leur communauté d'objets, étant entendu que objet = f(réel, intellect, expérience, temporalité). Et ce qui en suit.

Ceci étant dit, je ne trouve pas Paul Veyne très pertinent au sujet de la sociologie. Pour quelqu'un qui s'intéresse de près à Foucault, je trouve qu'il fait peu de cas de l'interaction entre la société et le contenu des sciences humaines, d'une part, et de la possibilité d'objectiver le détail de cette interaction. D'ailleurs, on peut prendre sa comparaison avec la physique à contre-pied : les études épistémologiques et l'histoire de la physique montrent assez clairement que le formalisme de la physique et ces principes théoriques et expérimentaux s'orientent de manières à optimiser et maximiser les possibilités d'interaction avec le réel. Par exemple, le principe de causalité en physique, quelques soient ces justifications épistémologiques, est avant tout une temporalité physique bien pratique pour penser les expériences... que les biologistes ne peuvent pas se payer ! La liste est longue d'exemples semblables, et il me semble possible de dire que le formaliste en physique n'évolue pas qu'en fonction des découvertes physiques, voir que l'inverse s'est déjà vu. Donc, on peut dire que si la sociologie, par rapport à l'histoire, arrive à évoluer vers un formalisme aussi puissant que celui de la physique du 21ième par rapport à celle du 13ième, ça serait extraordinaire !

2. Si tu as un C.V. capable de convaincre ton interlocuteur, alors les liens faibles ont plus de chance par leur nombre d'aboutir que les liens forts, sachant que je doute qu'une personne qui ne peut justifier une bonne connaissance de ta personne puisse bien te vendre.

Anonyme a dit…

La différence entre ce qu'on cherche et ce qu'on trouve...

Pour reprendre le célèbre aphorisme du Général de Gaulle sur les chercheurs qui cherchent, le lien faible est une meilleure garantie de trouver; parce que quand on cherche vraiment c'est qu'on n'a pas trouvé, et a priori on a déjà exploré ses liens forts, ou son univers immédiat.

L'exemple vaut aussi pour les domaines spécifiques: un médecin, un ophtalmo, on trouve dans les liens forts: la famille, les amis, mais une recommandation de traducteur de Russe ou un spécialiste de neurochirurgie, on va explorer plus loin, l'ami d'un ami rencontré dans un dîner, le membre du club dont on a appris la spécialisation: les liens faibles vont plus loin et sont plus divers.

D'autre part pour reprendre l'exemple de la recherche d'emploi, le candidat idéal pour un poste particulier se trouve souvent par double ou triple compétence: un informaticien passionné de course automobile pour développer des programmes de cartographie moteur, ça ne se trouve pas dans le groupe informaticiens, ni dans le groupe amateurs de course auto, mais par un lien faible "tiens machin m'a dit qu'il allait au Castellet ce week-end" ou "maintenant qu'il s'est rangé des courses il a fait une école d'informatique".

Et si on avait fait le tour de tout ce qu'il a à savoir et connaître dans les liens forts, les liens faibles ce serait notre ouverture vers l'extérieur et notre chance de découvrir autre chose?

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