Répression, prévention : l’exemple de la lutte contre le cannabis

Nicolas Sarkozy l’a annoncé récemment : sa politique de « lutte contre l’insécurité », lancée lors de ses passages au ministère de l’intérieur, continue et continuera sans une « pause ». Le renforcement de la législation sur la récidive (dont j’avais déjà parlé) n’est qu’une première étape. Si on en croit les objectifs fixés – « faire baisser la délinquance, accroître l'efficacité des services de police et améliorer l'accueil des victimes », c’est le paradigme répressif qui sera maintenu.





En effet, tout débat politique sur la délinquance met systématiquement en face deux conceptions de la lutte contre l’insécurité : la répression et la prévention. Entre ces deux conceptions, le débat est plutôt difficile, pour ne pas dire que, lorsqu’il a lieu, il tient du miracle. Il faut dire que chacun des deux camps a une perception pour le moins caricaturale de l’autre. Ainsi, les tenants de la répression sont vu comme une bande de policiers qui pensent que rien ne vaut un bon coup de matraque dans la face pour faire réfléchir les délinquants à l’avance, tandis que les tenants de la prévention seraient de beaux idéalistes préférant s’asseoir avec le délinquant, lui dire que quand même c’est pas bien et que s’il devenait une bonne personne, le monde serait merveilleux. Dans ces conditions, le débat public fait plus place aux disputes stériles qu’à un dialogue constructif.

Pour sortir de ces disputes, il faut essayer de préciser un peu mieux chacune des deux logiques sans y jeter l’opprobre par avance. Ainsi, les « répressifs » supposent que la délinquance est le fruit d’un calcul incluant les risques de se faire prendre et la peine encourue. Si j’ai peu de chances d’être arrêté et qu’au pire je n’aurais qu’à faire un regard de cocker au juge pour m’en sortir, je n’hésiterais pas à voler le sac de la dame. Les « préventifs » pensent, au contraire, que ce calcul ne joue pas, ou très peu : si je vole le sac de la dame sans même envisager d’être pris, c’est parce que je suis pauvre et que j’ai besoin de sa carte bleue ou que je suis en colère contre une société qui m’a malmené et dont je ne veux pas respecter les normes. Dans cette perspective, il sera plus efficace de « resocialiser » le délinquant, de le faire sortir d’une identité dominée ou exclue, éventuellement en lui rappelant que d’autres voies sont possibles pour s’en sortir.

Ces deux positions font généralement l’objet d’un débat moral ou éthique. Les « répressifs » sont alors décrits par leurs adversaire comme les instruments d’une domination sociale qui reproduit ou cherche à reproduire les inégalités sociales dans l’intérêt de quelques uns. Les « préventifs » seront au contraire vus comme des doux rêveurs, prêt à excuser les violences et la délinquance au nom d’une pauvreté qu’ils n’ont souvent jamais eux-mêmes connue. Bref, ce sont des visions de l’homme qui sont mises en jeu beaucoup plus que des réflexions sur les effets concrets des deux solutions. Si on s’intéresse au problème d’un point de vue sociologique, on est obligé de sortir du débat moral : il s’agit simplement de savoir ce qui permet effectivement de limiter la délinquance, la répression ou la prévention. C’est à cette question que j’aimerais m’intéresser ici.

Notons cependant que l’on pourrait aussi s’intéresser à la genèse de chacune de ces deux positions et à leur développement dans l’espace public : Loic Wacquant [1] soutient ainsi que le développement des politiques répressives accompagne un recul de l’Etat « social » au profit de l’Etat « pénal ». L’Etat devant d’une façon ou d’une autre gérer la pauvreté et l’exclusion, le renouveau de la pensée néo-conservatrice aux Etats-Unis l’a amené à privilégié la répression et l’emprisonnement plutôt que l’aide et les politiques sociales. Ce mouvement toucherait aujourd’hui de plus en plus l’Europe. Ces questions sont intéressantes, mais c’est bien à l’efficacité de chacune des deux positions que je voudrais m’intéresser.

Le défaut du débat « répressions/prévention » est d’être, souvent, beaucoup trop général : c’est pour cela que je parlais plus tôt de « paradigme » : il y aurait une seule de ces deux solutions qui pourrait s’appliquer à tous les types de délits, conséquence logique de l’aspect moral et idéologique du débat. Or, il faut plutôt envisager des efficacités différentes en fonction des faits considérés : on ne peut pas penser que la même solution s’applique au voleur de mobylette qu’au terroriste international.

Je vais donc pour cette note m’appuyer sur un exemple particulier : celui de la lutte contre la consommation du cannabis. A charge pour mon lecteur de reprendre à son tour la démarche pour l’appliquer au cas particulier de son choix. Ce qui compte, c’est de comprendre le mode de réflexion auquel la sociologie permet de parvenir.

Pourquoi la consommation de cannabis ? Tout d’abord, parce que l’on en a récemment reparlé dans le débat public, quelques études soulignant la dangerosité de cette drogue « douce ». Ensuite, parce que depuis Howard Becker [2], c’est un point d’entrée classique pour la sociologie de la déviance – et vous connaissez désormais mon goût pour les classiques.

D’ailleurs, en parlant de Becker, la sociologie peut également étudier la façon dont la norme – tant sociale que juridique – d’interdiction du cannabis s’est formée et s’est imposée. Selon l’analyse fameuse de Becker pour les Etats-Unis, il s’agit de l’œuvre d’« entrepreneurs de morale », en particulier le bureau des stupéfiants (pas ceux qui consomment la drogue, ceux qui leur courent après), qui par le biais de campagnes de presse – l’exploitation de faits divers sordides en particulier – et d’un peu de lobbying auprès des gouvernements sont parvenus à imposer cette norme. Cette analyse est très utile si l’on veut comprendre, aujourd’hui, ce qui se joue autour de l’interdiction du tabac dans les lieux publics… Mais, comme pour la diffusion du paradigme répressif (ce terme est librement inspiré de Sébastian Roché [3]), ce n’est pas le sujet ici.

Je précise que je m’intéresse bien ici à la consommation, et éventuellement à la production à usage personnel, de cannabis. Le problème du trafic mériterait un traitement à part. D’ailleurs, ce sera vos devoirs de vacances : je veux une analyse complète de la lutte contre le trafic de drogue dans les commentaires sinon je colle tout le monde le samedi matin.

Je vais essayer de faire apparaître les limites et les difficultés des deux pôles « répression/prévention » sur cette question, afin de montrer qu’une véritable lutte doit s’intéresser au substrat social qui cause la consommation de drogue et de stupéfiant.

1. Les limites de la répression

La répression a vocation a fonctionner de deux façons : d’une part, par la valeur de l’exemple – « je vois tous mes potes être embarqué par les keufs, je vais me tenir à carreaux » –, d’autre part, par le calcul risque/gain du délinquant potentiel – « si je me fais choper avec mon joint, je suis envoyé aux travaux forcés à Cayenne, je vais donc me convertir au chewing-gum ». Si on veut qu’il y ait quelque efficacité là-dedans, il ne faut pas oublier l’un des deux aspects : une loi très sévère ne sert à rien si elle n’est pas appliqué, des contrôles de police réguliers qui ne donnent jamais lieu à une amende ou une condamnation ont peu d’avoir un quelconque impact. Il arrive même souvent qu’une peine légère mais qui s’applique systématiquement – à l’exemple des radars automatiques – soit plus efficace pour modifier les comportements qu’un simple durcissement des peines.

Bien sûr, d’un point de vue plus politique, encore faut-il que les contrôles nécessaires pour une application systématique de la peine respectent un minimum la liberté des individus. Comme le rappelle très justement Robert Castel [3], il n’est pas possible, dans un Etat de droit, de contrôler totalement les individus et de faire disparaître toute entorse à la loi – sauf à passer à un Etat totalitaire.

Qu’en est-il pour le cannabis ? Peut-on espérer réduire la consommation en augmentant les peines encourues ? C’est peu probable. Les fumeurs de cannabis sont, souvent, des fumeurs occasionnels, qui « pratiquent » dans des cadres privés et restreints où il est particulièrement difficile de faire des contrôles systématiques. Mais, surtout, même les fumeurs réguliers ont peu de chance d’être influencé par un tel durcissement. En effet, l’usage des drogues douces doit s’analyser comme une entrée dans une « carrière » [2], suivant un processus que j’ai déjà exposé pour la délinquance en général et le terrorisme. Ceux-ci ont, progressivement, appris à fumer et ont modifier leurs normes vers celles d’un milieu déviant. La répression dont ils font l’objet a plus de chances d’être ressentie comme une preuve supplémentaire qu’ils sont incompris et que les normes sociales dominantes les rejettent.

Des contrôles plus systématiques risquent même de les enfermer un peu plus dans une identité « déviante » ou « rebelle » au sens de Merton [5], c’est-à-dire ne partageant ni les normes ni les moyens légitimes dominants.

Mais les contrôles de police posent, au moins en France, un autre problème. On dispose, pour estimer l’action de la police, d’un appareillage statistique conséquent : ce sont les fameux « chiffres de la délinquance » que les médias et les politiques consomment avec un grand enthousiasme, tandis que les chercheurs se lamentent régulièrement sur les utilisations « sans pincettes » qui en sont faites. On se rend alors compte que l’essentiel des affaires relatives aux stupéfiants et particulièrement au cannabis traitées par la police sont doublement concentrées : géographiquement dans les « quartiers sensibles », socialement dans les catégories populaires. Le problème est alors simple : la population à qui s’applique la répression est-elle représentative de celle qui est effectivement déviante ?

Pour répondre à cela, il faut comparer les chiffres de la police avec des enquêtes de « délinquance auto-déclarée ». Celles-ci consistent à faire un sondage en demandant aux individus, de façon anonyme, s’ils ont eu certains comportements sur une période donnée. Laurent Mucchielli [6] s’est livré à une telle comparaison : il en ressort que la police ne traite qu’une petite partie des consommateurs de cannabis, car cette consommation est plutôt bien répartie dans la population. Idée confortée par les récentes enquêtes de l’Observatoire des Drogues et Toxicomanie. La cause de ce décalage réside dans la logique du travail policier : il est demandé à ceux-ci de surveiller tout particulièrement les quartiers en difficulté, d’y patrouiller plus souvent et d’y faire du « chiffre ».

Il faudrait donc repenser et réorienter l’action policière dans la lutte contre les stupéfiants pour que la répression puisse espérer être pleinement efficace. Choix politique difficile, puisque si les jeunes fumeurs des banlieues ont peu de ressources politiques, ce n’est pas le cas de leurs homologues, jeunes et moins jeunes, des quartiers moins marginaux.

Il faudrait aussi que l’action policière ne se contente pas de réprimander les fumeurs, mais cherchent à nouer un contact avec ceux qui sont les plus avancés dans la « carrière » pour les aider à en sortir, ainsi que pour mieux cerner les réseaux de distribution et de trafic. La police de proximité était une réponse possible à cette question, mais faute de moyens conséquents alloués par le gouvernement d’alors, elle n’a été qu’un échec supplémentaire. Cela indique cependant que la police peut jouer sur un autre tableau que la répression : la prévention.

2. Les limites de la prévention

La prévention peut également prendre deux aspects, schématiquement toujours : il peut s’agir de campagnes d’information, à la télévision ou dans les écoles par exemple, sur les dangers ou l’immoralité de tel ou tel comportement – « le cannabis, ça craint grave, jeune ! » – ou du travail de terrain d’associations ou d’organismes particuliers visant à un travail de « proximité ». Ici aussi, les deux peuvent être combinées.

Commençons par traiter des campagnes d’informations. Le problème est le suivant : sont-elles capables de compenser réellement ce que croient savoir les fumeurs de cannabis ? Dans l’état actuel des choses, ceux-ci ont plusieurs croyances qui structurent leur expérience de la drogue : le cannabis est une drogue douce, elle ne produit pas vraiment de dépendance, elle est moins dangereuses que le tabac. Autant d’idées dont on peut, aujourd’hui, qu’elles sont fausses, mais qui restent, et resteront encore sûrement pendant un moment, des idées reçues.

Voici donc l’occasion pour moi de parler de l’un de mes ouvrages préférés : L’idéologie ou l’origine des idées reçues de Raymond Boudon [7]. Dans mes expériences universitaires, j’ai trouvé que la sociologie de Boudon était souvent mal présentée, souvent trop marquée par l’aspect « anti-Bourdieu » (et sûrement mal aimée à cause de cela). C’est ce livre qui m’a ouvert les yeux, et j’en recommande chaudement la lecture – excellente lecture d’été d’ailleurs, je l’ai expérimentée l’année dernière.

Que nous dit Boudon sur les idées reçues ? Que celles-ci ne proviennent pas d’une illusion, d’un comportement irrationnel des individus, mais bien de leur rationalité. Les individus ont de « bonnes raisons » de croire ce qu’ils croient : ce sont ces raisons qu’ils convient d’analyser et tester1. Ces raisons dépendent de la position sociale de l’individu.

Boudon identifie alors trois types d’effets qui peuvent expliquer l’adhésion à des idéologies données (qu’il définit, dans une filiation marxienne, comme les idées fausses ou douteuses) : des effets de position, de disposition et de communication. Les trois peuvent être utiles pour comprendre comment les fumeurs de cannabis acquièrent leurs idéologies. Il faut tout d’abord se référer à leurs positions sociales : les individus ne perçoivent pas l’intégralité de la réalité sociale, mais seulement une partie. Si toutes les personnes consommant du cannabis autour d’elles semblent se porter bien et ne pas avoir de problèmes, il est rationnel de penser que le cannabis ne présente aucun danger. Il y a ensuite des dispositions sociales : les individus ont intégré un certain nombre de normes et façons de faire particulière. Si, par exemple, le milieu où ils ont été socialisés se caractérise par une défiance vis-à-vis des autorités publiques (ce qui se retrouve chez les jeunes de banlieue et les ex-soixante-huitards, tous consommateurs de drogues douces), fumer peut être perçu comme un acte de rébellion normal. Enfin, il y a des effets de communication : les individus n’ont accès aux informations que par le biais d’intermédiaire, dans lesquels ils peuvent avoir plus ou moins confiance. Là encore, faire confiance à l’ami qui fume le cannabis et qui assure que c’est sans danger peut être plus rationnel que de faire confiance à la publicité à la télévision.

Pour être complet, il faudrait ajouter des effets épistémologiques, renvoyant à l’existence de la catégorie « drogue douce » qui laisse à penser d’entrée de jeu que le cannabis est sans danger.

Il faudrait prendre la peine d’étudier les « bonnes raisons » de chaque milieu social consommant du cannabis, de formuler des hypothèses et de les tester. Cependant, ce modèle nous permet déjà de parler de la prévention : si on veut limiter la consommation de cannabis, il faut proposer aux individus de « bonnes raisons » d’arrêter de fumer. C’est là la conséquence politique fondamentale du modèle boudonien, trop souvent négligée à mon goût : puisque les individus sont rationnels, il est possible d’agir sur les comportements à condition de s’adresser à leur rationalité. Et pour cela, il faut établir avec précision de quelle rationalité il s’agit [8] et quels en sont les ressorts.

Les campagnes télévisuelles ou dans les écoles se présentent alors comme une tentative d’induire un effet de communication pouvant compenser celui en faveur du cannabis. Il est très peu probable, dans ce cas précis, que cette stratégie fonctionne pour deux raisons. Tout d’abord, parce qu’elle néglige les deux autres catégories d’effet – de position et de disposition. Ensuite parce qu’elle oublie l’enracinement social de la communication : ceux qui ont déjà commencé à fumer ou qui peuvent le faire pensent « mieux savoir » que l’Etat ou que l’école. De ce point de vue, il y a peu à attendre d’une telle politique sur le cannabis.

Le recours à des associations a déjà plus de vertus : si les membres de ces associations sont issus des mêmes milieux et des mêmes catégories que la population visée, ils peuvent induire des effets de communication positifs, et éventuellement modifier les effets de position et de dispositions. Mais il n’y a aucune garantie : encore faut-il qu’ils rentrent en contact avec ceux qui sont le plus avancé dans la carrière, qu’ils compensent éventuellement le leadership de ceux-ci auprès des autres, qu’ils ne soient pas perçus comme trop extérieur, etc.

En la matière, la prévention ne peut donc se constituer en voie royale de lutte contre ce comportement. Efficace lorsqu’il s’agit de la lutte contre l’alcool au volant [9] ou contre le tabac, elle est plus difficile à mettre en œuvre lorsqu’il s’agit de comportements déviants incluant une part de rébellion contre les autorités. C’est donc dans ce sens qu’il faut penser la lutte contre le cannabis.

3. Une autre action possible : comprendre les causes de la consommation

C’est à ce moment là que la sociologie et les sciences sociales peuvent intervenir dans le débat. Les causes de la consommation ne se réduisent pas au contact avec d’autres « fumeurs » - les mauvaises fréquentations, comme diraient les parents inquiets pour leur progéniture. Il s’agit de saisir pourquoi un certain nombre de personnes se trouvent en position d’adopter un comportement déviant, d’être sensible au point de rentrer dans la carrière. L’exemple des jeunes permet d’illustrer cette démarche.

Selon Hughes Lagrange [10], il faut rapprocher l’usage du cannabis du recours à la délinquance, et particulièrement aux incivilités, actes de défiance vis-à-vis d’une position sociale vécue comme « dominée », ou, plus précisement, « exclue » [6]. On serait passé, en effet, d’une délinquance d’appropriation – « je vole la voiture pour l’utiliser » - à une délinquance d’exclusion – « je brûle la voiture parce je n’ai rien et que j’en veux à tout le monde ».

Le point important est que le sentiment d’exclusion ne se traduit pas forcément sous une forme violente, doublée, le plus souvent, d’affirmations virilistes et de rechercher de respect afin d’inverser le stigmate [11], mais aussi sous des formes de mises à l’écart, de retrait. Il y a donc d’un côté l’affrontement et de l’autre, l’esquive. Comme vous pouvez vous en doutez, l’esquive, c’est l’usage de drogue, et particulièrement de cannabis. C’est là une forme de repli sur la sphère privé, la plus intime, qui prend une direction tout à fait opposée de celle de la violence face aux obstacles à l’affirmation de soi.

Les deux ont pourtant la même cause : frustration, désir de reconnaissance, déficit d’avenir. Il y a, derrière ces comportements, la difficulté vivement ressentie par certaines catégories de la jeunesse de se conformer aux normes de la société à partir de leur position sociale.

Dès lors, si l’on veut lutter efficacement contre l’usage des drogues dans cette catégorie de la population, il convient de ne pas découpler cette problématique de celle de la délinquance et donc du substrat social dans lequel s’inscrit ce comportement. Il s’agit alors de trouver des moyens d’agir sur ce contexte – je repasse alors la main à l’imagination politique, bon point de départ si certains veulent laisser leurs commentaires. Une fois ceci fait, s’il reste encore des fumeurs de cannabis, il faudra à nouveau comprendre leur geste, l’analyser puis, seulement, proposer une action politique ou sociale.

Evidemment, si on s’intéresse à d’autres catégories sociales elles aussi consommatrice de cannabis, il faudra reprendre l’analyse et réfléchir à nouveau sur les ressorts de ce comportement. La jeunesse doré fume pour des raisons tout à fait différentes, les trentenaires (et au-delà) aussi. Mais derrière chaque situation, on peut chercher un substrat social qui explique le comportement en question. Reste après à savoir dans quelle mesure il est possible d’agir dessus.

4. Courte conclusion

Dans le cas précis du cannabis, c’est une forme très particulière de prévention qui pourrait s’avérer la plus efficace : il s’agirait de défaire les ressorts sociaux particuliers de ce comportement. Ceci, entendons nous bien, n’exclue nullement des actions de prévention plus classique – plutôt sous une forme locale et ciblée – et de répression – bien pensée afin de toucher l’ensemble des délinquants. Il ne faut surtout pas penser qu’une seule solution puisse satisfaire à un problème aussi complexe.

Cet exemple doit, je le répète, bien être compris : il s’agit de montrer comment une réflexion documentée et sociologique peut être utile pour une discussion politique. Le résultat auquel je suis parvenu ne peut être généralisée facilement : pour certaines délinquances, il sera valable, pas pour d’autres. Surtout, il ne doit pas faire penser que la sociologie n’est qu’une technologie sociale visant à concevoir des moyens d’action sur la société pour le pouvoir politique. Elle peut être cela lorsqu’elle adopte la pose de l’expertise. Mais ce n’est pas sa fonction première, et elle contribue beaucoup plus souvent à relativiser les possibilités d’action du politique. Mais ce sera là le thème d’une future note, sûrement en septembre…

1 On a parfois reproché à l’approche boudonienne d’être peu falsifiable. A la relecture, je suis plutôt en désaccord avec cette critique : s’il est vrai que l’on pourra toujours trouver des « bonnes raisons » à n’importe quelle action, ce sont celles que l’on va proposer qui seront falsifiable. Il ne faut pas confondre le paradigme et ses applications.

Bibliographie

[1] L. Wacquant, Punir les pauvres. Le nouveau gouvernement de l’insécurité sociale, 2004

[2] H. Becker, Outsiders. Etudes de sociologie de la déviance, 1963

[3] S. Roché, Sociologie politique de l’insécurité, 2000

[4] R. Castel, L’insécurité sociale, 2003

[5] R. K. Merton, Social Theory and Social Structure, 1949

[6] L. Mucchielli, Violences et Insécurités, 2000

[7] R. Boudon, L’idéologie ou l’origine des idées reçues, 1984

[8] R. Boudon, La logique du social, 1979

[9] L. Mucchielli, « L’évolution de la délinquance juvénile en France (1980-2000) », Sociétés contemporaines, 2004

[10] H. Lagrange, De l’affrontement à l’esquive. Violences, délinquances et usages de drogues, 2001

[11] E. Goffman, Stigmate. Les usages sociaux des handicaps, 1963


23 commentaires:

Anonyme a dit…

Il est amusant de constater que lorsque vous dites vous interesser à la genèse de chacune de ces deux positions, vous en adoptez de fait une. Si l'on prétend que la position répressive accompagne « le recul de l?Etat « social » au profit de l?Etat « pénal ». L?Etat devant d?une façon ou d?une autre gérer la pauvreté et l?exclusion », il est clair que vous adoptez implicitement la position que vous avez décrite comme préventive, notamment en affirmant que la délinquance découle de la pauvreté et de l'exclusion, un fait qui reste à démontrer.


Par ailleurs, le choix de l'exemple de la consommation de cannabis est du plus étrange. A tort ou à raison, cela fait bien longtemps que le cannabis est considéré comme trivial et que les consommateurs ne sont que rarement poursuivis, même si cela reste légalement possible. Par ailleurs, l'usage de stupéfiants est sans victime directe autre que le consommateur, il n'y a donc pas de plaignant. Or les infractions sans plaignant ne sont pas celles qui mobilisent le plus les débats sur le pénal : le débat sur le cannabis intéresse surtout les partisans de sa légalisation.

Ce choix discutable font que l'analyse de votre sujet est, en définitive, partielle. Une dimension importante de la répression est la protection des autres citoyens ; dimension évidente lorsqu'il s'agit de réprimer un violeur ou un voleur de voiture avec violences, dimension guère convaincante alors que l'on songe à un consommateur de cannabis.
Du coup, l'intérêt des contrôles d'identité n'apparait plus. En effet, disposer de l'identité de gens ayant peut-être fumé du cannabis n'importe guère. Alors qu'il est très intéressant de disposer de l'identité de quelqu'un ayant été à proximité du lieu de commission d'un viol ou d'un vol de véhicule automobile (pour reprendre mes deux exemples évoqués plus haut).

Par ailleurs, votre interprétation des statistiques produites par la police concernant les stupéfiants, notamment le cannabis, est délicate à suivre. Entendons-nous bien : la police ne réprime l'usage de cannabis qu'exceptionnellement. Il est évident que les statistiques n'ont d'intérêt en la matière qu'en terme de trafic, et non d'usage de stups. Or il n'est pas secret en France que le commerce de stupéfiants se produit dans les quartiers sensibles. On peut d'ailleurs arguer que ce n'est pas indifférent à ce fait que la police n'est pas bienvenue dans ces quartiers là, on peut même se laisser aller jusqu'à estimer que ce fait biaise bien des débats sur les rapports entre police et population où l'on oublie qu'il y a une volonté de la part de certaines personnes de maintenir un climat de violence dissuadant la présence régulière de la police.

Vous citez Mucchielli, grand spécialiste des annonces fracassantes d'évidences et de mélange contestable de point de vue personnel et d'analyse scientifique (c. http://riesling.free.fr/20070414.html ), pour en arriver à la conclusion qu' « il en ressort que la police ne traite qu'une petite partie des consommateurs de cannabis, car cette consommation est plutôt bien répartie dans la population ». Il est inutile d'en venir à la « logique du policier » pour expliquer cela. La police pourrait se rendre dans les salles de concerts de reggae et faire des procédures d'infraction à la législation sur les stupéfiants à volonté. Elle ne le fait pas. Tout simplement parce que nous ne sommes pas dans un pays où les infractions sont dures à trouver, un ciblage est opéré en fonction du trouble social. Lorsqu'il n'y a pas de trouble, il y a peu d'activité policière, celle-ci se concentre là où il est y a trouble, notamment dans les quartiers sensibles, en particulier ceux où se pratiquent le commerce de stupéfiants. Et lorsque ce ciblage dans ces lieux là ne permet pas l'arrestation des vendeurs, il permet parfois l'arrestation des acheteurs, toujours dans le but de nuire à ce commerce. C'est donc une évidence qu'une portion infime des consommateurs de stupéfiants sont poursuivis. Ce n'est pas un secret, il n'y a pas de volonté actuelle de faire la chasse aux consommateurs de cannabis, bien que sa consommation reste un délit, ce sont les trafiquants qui sont visés - un choix que je trouve personnellement plutôt positif. J'attire aussi votre attention sur le fait qu'actuellement, le commerce de cocaïne ou d'héroïne s'ajoute à celui de cannabis, faisant qu'il n'est pas rare que des acheteurs de cannabis soient aussi acheteurs d'héroïne : ces consommateurs apparaitrons dans vos statistiques concernant le cannabis, toutefois il sera flagrant que c'est la possession d'héroïne qui aura motivé la poursuite, le cannabis n'étant qu'un élément à charge de plus.

Vous dites qu'il « faudrait donc repenser et réorienter l?action policière dans la lutte contre les stupéfiants » et je pense que ce que je vous ai décris précédemment devrait vous ravir. Votre bonne idée à déjà fait son chemin depuis des années.

Vous dites aussi que « Il faudrait aussi que l?action policière ne se contente pas de réprimander les fumeurs, mais cherchent à nouer un contact avec ceux qui sont les plus avancés dans la « carrière » pour les aider à en sortir, ainsi que pour mieux cerner les réseaux de distribution et de trafic. La police de proximité était une réponse possible à cette question, mais faute de moyens conséquents alloués par le gouvernement d?alors, elle n?a été qu?un échec supplémentaire ». Tout d'abord rappelons que le policier n'est pas assistante sociale ni éducateur : ce n'est pas à lui d'aider le toxicomane à s'en sortir, il peut au mieux fournir au toxicomane l'adresse d'associations et centre pour l'aider. Ensuite, disons que le problème actuel de la lutte contre les stupéfiants n'est pas de savoir où les trafics se passent. Les policiers savent dans quel quartier et où dans ces quartiers quels trafics sont pratiqués. Le problème réside plutôt dans les possibilités d'intervention dans ces quartiers, sachant que l'arrestation d'un trafiquant peu facilement donner lieu à une émeute ; il faut donc la certitude que le jeu en vaille la chandelle (ce qui n'est pas le cas si le trafiquant est mineur, par exemple).
La police de proximité n'était pas une réussite de ce point de vue. Elle n'a en rien empêché l'éclosion de ces trafics. De plus, la police de proximité était habituellement en patrouille pédestre : repérée 15 minutes avant qu'elle soit sur place, la patrouille ne risquait pas de rencontrer des trafics.


Pour conclure, je dirais que l'exemple que vous avez choisi était loin d'être simple à traiter au regard de votre problématique. Il en découle, dans votre analyse du volet repressif, de nombreux problèmes. Infraction sans plaignant, la dimension de protection sociale de la répression, pourtant essentielle, est absente. Quant au choix de se cantonner aux usagers et non de se focaliser sur le trafic, il est des plus imbitables puisque les usagers sont réprimés par défaut, au contact de, mais ne sont jamais réellement visés.

Dans votre 3° partie, vous tentez des conclusions sur les consommateurs de cannabis des zones dites sensibles. Le prêt d'intentions est fragile. Ainsi, notamment, il serait question de « délinquance d'exclusion : "je brûle la voiture parce je n?ai rien et que j?en veux à tout le monde " ». Discutons en avec un individu ayant brûlé 15 voitures, on constatera qu'il n'a pas rien, il a au moins un téléphone portable, parfois des habits de marque de luxe -ce n'est pas rien, nous n'avons pas affaire à un mendiant- ; on constatera aussi qu'il n'est pas spécialement soucieux des autres, il ne leur en veux pas mais il trouve amusant de rouler comme un furieux avec une voiture... ne lui appartenant pas, et il aime le feu (l'homme en général aime le feu ; mais tous ne font pas des veillées autour d'un véhicule calciné).
Vous parlez donc de « frustration, désir de reconnaissance, déficit d'avenir » sans que toutefois cela semble démontré par l'exemple. On peut bien préter ces désirs aux gens. Reste encore à démontrer qu'ils sont frustrés, non reconnus et qu'ils n'ont pas d'avenir. En France, il n'est point si dur d'avoir un avenir, sauf si on veut à tout prix être milliardaire ou rien. La reconnaissance n'est pas inexistante alors que dans les zones sensibles on se réfère et l'on se reconnait systématiuement par regroupement ethnicisé ou religieux. Quand à la frustration, connaissent-ils la frustration, ceux dont le parcours délinquant montre qu'ils s'approprient, par la violence si nécessaire, tout ce dont ils désirent ? Est-ce être frustré que de ne pas jamais resister à la tentation ?

Denis Colombi a dit…

Je n'aurais jamais pensé avoir un commentaire aussi long qu'un post :) surtout que j'estimais celui sur la diversité au gouvernement beaucoup plus polémique...

Réponse point par point :

- Tout d'abord, je ne pense pas adopter la position "préventive" pour juger le tournant répressif. Déjà, parce que dans ce passage, je ne m'exprime absolument pas sur l'efficacité des deux. Ensuite, parce que considéré que l'Etat (américain qui plus est) est passé à une gestion répressive de la pauvreté ne veut pas que les pauvres sont plus délinquants... simplement que l'Etat punit la pauvreté pour ne pas avoir à la gérer par les comptes sociaux.

- Sur le choix de la consommation de cannabis, je m'en explique dans le billet : c'est dans l'actualité, c'est un classique de la sociologie de la déviance, ce n'est qu'un exemple du type de raisonnement à mener. J'en ajoute une : c'est un thème qui est beaucoup moins soumis à des grandes sorties idéologiques, par exemple sur les "barbares" qui menacent la République. M'attaquant déjà à un débat fortement idéologisé - le dyptique répression/prévention - il ne m'a pas paru souhaitable d'en rajouter.

- Je ne pense pas que mon analyse soit partielle : elle s'applique bien, je le pense, pour le thème que j'ai choisi de traiter. Si maintenant, vous voulez vous intéresser disons au vol de voiture, les arguments devront s'articuler différemment. Mon objectif n'était pas de réfuter dans l'absolu la répression, mais bien de montrer qu'il n'y a pas une solution unique aux problèmes de délinquance.

- J'aurais beaucoup à dire sur la thèse des "violences organisées pour protéger le trafic", dont on ne peut trouver de preuves sérieuses et crédibles. Mais ce serait long à développer et je laisse ça pour un autre billet.

- Votre remarque sur Laurent Mucchielli est précisément le genre de chose qui m'horripile tant cela pourrit le débat. Jeter l'opprobe sur quelqu'un plutôt que de répondre à ce qu'il dit n'a pas grand intérêt... Ici, vous donnez un lien qui le critique sur un tout autre thème, en prenant, en outre, une tribune dans la presse et non un travail scientifique... J'ajouterais que dans votre billet la remarque sur les viols collectifs montre que vous n'avez rien compris au travail de Mucchielli qui n'est pas de dire qu'il ne faut pas être choqué mais qu'il faut éviter de voir une nouveauté dans le phénomène, nouveauté que, comme par hasard, on relie à l'Islam et non à une situation sociale particulière...

- Pour ce qui est du travail policier, je ne leur reproche pas de mal travailler, mais simplement qu'en la matière les consommateurs sont réprimés de façon sélective. S'il faut parler de la cocaïne, pourquoi ne pas frapper aussi dans les beaux quartiers où celle-ci est également consommée ?

- Si le policier n'est pas une assistante sociale, une intégration plus grande de celui dans les espaces où il est amené à intervenir permettrait non seulement de permettre de faire de la protection - dissuader des jeunes de rentrer dans la carrière, en diriger certains pour qu'ils en sortent. Quant à la police de proximité, elle permettrait justement d'intervenir sans provoquer d'émeutes. Le problème est que, lorsqu'elle a été mise en place, il a manqué des procédures d'évaluation et de rémunération afférente pour que les policiers s'y emploie pleinement, pour changer la culture policière en la matière. C'est pour cela qu'elle a été un échec : elle n'a jamais réellement fonctionné.

- Si vous voulez mon avis personnel sur le trafic de drogues, histoire de vous rassurer, c'est qu'en la matière la répression est une réponse beaucoup plus efficace que la prévention. Mais si j'avais du traiter les deux aspects, le billet aurait beaucoup trop long. Et si je n'avais traité que le trafic, je n'aurais pas pu montrer les limites des deux postures.

- La fin de votre commentaire passe également à côté de mon propos : vous jugez les délinquants en disant "pourquoi brûlent-ils les voitures, ces ingrats à qui nous avons tout donner ?" (je caricature un brin votre propos, ne m'en veuillez pas). Or mon problème n'est pas de savoir si le délinquant a raison ou non d'être délinquant, mon problème est de comprendre que son acte traduit une rage contre la société sans avoir à la juger. Les positions virilistes ("moi, j'ai pas peur, je brûle des voitures et je nique la police"), les affirmations de respect ("la société nous respecte pas, on la respecte pas, c'est nous les plus forts") et d'honneur ("on va les faire payer les keufs qui ont arrêté notre pote") qui caractérisent les bandes de brûleur de voiture traduisent un moyen de retourner le stigmate : se sentant exclu de la société, par toutes sortes de processus sociaux, ils se reconstruisent une image "positive" d'eux mêmes au travers de l'affirmation violente. Les sources sont nombreuses en la matière, je vous invite à consulter les bibliographies de la catégorie "sociologie de la déviance"). Je conclurais en disant qu'à mon sens la première qualité d'un sociologue est de s'abstenir de penser en termes moraux ("il ne devrait pas faire ça, il a tout ce qu'il veut") et de s'efforcer de rester analytique ("s'il fait ça, c'est parce qu'il a ce sentiment, et ce sentiment provient d'une situation sociale"). Les "bonnes raisons" boudoniennes illustrent bien cette procédure.

Anonyme a dit…

Le commentaire est long, en effet. Le sujet est intéressant mais complexe et votre approche est suffisement fouillée pour qu'on s'y attarde.

En procédant point par point de même.

Vous dites ne pas « pense pas adopter la position "préventive" pour juger le tournant répressif ». Alors vous devez vous refuser d'expliquer comme genèse des politiques répressives comme la conséquence d'un « recul de l'Etat social », « devant d'une façon ou d'une autre gérer la pauvreté et l'exclusion ». L'équation pauvreté = délinquance n'est toujours pas démontrée. Il peut y avoir politique répressive sans recul de l'Etat social.


Si votre objectif n'était que de « montrer qu'il n'y a pas une solution unique aux problèmes de délinquance », alors le choix de l'usage de stupéfiants n'est pas vraiment un problème. Mais cela ne permet pas de faire appaitre, à mon sens, « les limites et les difficultés des deux pôles "répression/prévention" » dans la mesure où l'on évoque la répression d'infractions sans victime immédiate autre que le délinquant (particulièrement vrai pour le cannabis seul, moins vrai pour l'héro qui génère une délinquance en vue de l'acquisition de stups).

« la thèse des "violences organisées pour protéger le trafic" » est un sujet vaste, « long à développer ». J'ai hate de lire votre « un autre billet » sur le sujet, notamment parce que vous dites qu'on ne peut en « trouver de preuves sérieuses et crédibles », alors qu'il m'apparait que les trafiquants ne se cachent pas de l'appropriation territoriale qu'ils font de leur quartier où revendiquent l'application de leurs propres lois au profit de leur économie.


Ma remarque concernant Mucchielli peut s'avérer horripillante. Peut-être pourrit-elle le débat dans la mesure où elle refuse l'autorité de ce dernier. Veuillez croire qu'elle repose sur ce qu'il dit, c'était l'objet de la présence du lien. J'attire votre attention sur le fait qu'un scientifique publiant une tribune dans la presse met en jeu sa crédibilité scientifique, car c'est bien son titre scientifique qui fait qu'on le sollicite et publie lui, et pas un autre. Lorsqu'il se prétend historien, alors qu'il ne fait preuve à aucun moment du sens de la mesure et du recul au regard des sources en histoires qui sont attendues de n'importe qui ayant au moins un DEUG d'histoire (enfin ça n'existe plus le DEUG, mais je m'entend), il convient de remettre certains compteurs à zéro. Quoi qu'il en soit, je n'ai sans doute rien compris au travail de cet homme là ; je ne saisis pas pourquoi il ne faudrait à tout prix ne pas « voir une nouveauté dans le phénomène [des viols collectifs] ». Des faits du passé et du présent similaires dans leur qualification pénale ne sont pas exactement les mêmes selon la fréquence de leur commission, selon l'âge des gens qui l'ont commis. Les points de divergence mérite étude. Mieux, je ne vois pas ce qui interdit se demander le lien que peut avoir ses actes et le rapport culturel que certains des auteurs de ces infractions ont avec les femmes, qui peut être considéré comme un des éléments d'une « situation sociale particulière ».

Vous demandez « s'il faut parler de la cocaïne, pourquoi ne pas frapper aussi dans les beaux quartiers où celle-ci est également consommée » ? La réponse est simple : il n'y a pas de politique visant à réprimer simplement l'usage. Les policiers, que je sache, ne font pas la chasse aux consommateurs, mais aux vendeurs. Or le commerce dans les beaux quartier est soit absent, soit moins flagrant. Les transactions de stupéfiants ne se font pas sur la voie publique dans les beaux quartiers, d'où une évidente plus faible possibilité répressive. Vous noterez que pour autant, cela ne signifie pas impunité totale, comme en attestent les déboires récents d'Ophélie Winter.


Vous dites que « si le policier n'est pas une assistante sociale, une intégration plus grande de celui dans les espaces où il est amené à intervenir permettrait non seulement de permettre de faire de la protection - dissuader des jeunes de rentrer dans la carrière, en diriger certains pour qu'ils en sortent ». J'aimerais vous croire. A vous lire, ça semble évident. Mais pensez-vous que si dans certaines zones urbaines, les policiers font régulièrement l'objet de jets de pierres, c'est parce qu'ils sont mals integrés ? Que doivent-ils faire pour s'intégrer très exactement ? Jusqu'où doivent-ils aller pour s'intégrer ? Doivent-ils se promener à pied entre des scooter qui font du rodéo et des individus qui font des transactions de stups ? Croyez-vous que la bonhomie rendra acceptable l'intervention de police qui, très concrêtement, mettra fin aux activités ludiques d'une partie de la population des quartiers sensibles ?

Vous dites que « la police de proximité [...] permettrait justement d'intervenir sans provoquer d'émeutes ». L'ilotage à bel et bien existé. Ca n'a pas empêché l'évolution vers le chaos actuel, ce qui était exceptionnel est devenu plus fréquent. Croyez-vous que dès lors qu'une bande d'individus à compris qu'à 25, ils peuvent resister à l'arrestation d'un de leurs amis trafiquants de stups, ils font cesser de le faire parce qu'ils ont rencontré un des policiers l'autre jour se promenant dans le quartier ? N'est-il pas flagrant qu'il y a une raison dans la pratique de l'émeute qui dépasse la sympathie ou la rancoeur que les uns et les autres peuvent nourrir ?

Vous dites que « Le problème est que, lorsqu'elle [la police de proximité] a été mise en place, il a manqué des procédures d'évaluation et de rémunération afférente pour que les policiers s'y emploie pleinement, pour changer la culture policière en la matière. C'est pour cela qu'elle a été un échec : elle n'a jamais réellement fonctionné ». L'ilotage a en tout cas bel et bien existé. Qu'entendez-vous par procédure d'évaluation et rémunération afférente ?


Concernant votre « avis personnel sur le trafic de drogues, histoire de vous rassurer, c'est qu'en la matière la répression est une réponse beaucoup plus efficace que la prévention ». Vous avez sans doute raison. Toutefois, j'ai parfois le sentiment que même la répression n'est guère efficace. Un trafic mis hors circuit, c'est un autre trafic qui se développe. De la marchandise qui est retirée de la circulation, c'est une autre marchandise qui s'y substitue, au besoin archicoupée, parfois tellement qu'elle ne réagit même pas aux tests chimiques de dépistage de la présence de stupéfiants dans un échantillon.

Sur ma conclusion, j'attire votre attention sur le grave danger de la pratique de la citation de faits qui ne sont pas citer. Les guillemets doivent être reservés pour citer, au sens strict. Si l'on reformule, c'est nous qui nous exprimons, pas celui dont on reformule le propos.

De fait, je n'ai pas le sentiment d'avoir demandé « pourquoi brûlent-ils les voitures, ces ingrats à qui nous avons tout donner ? ». Pour moi la question ne se pose pas, j'ai déjà la réponse : parce que ça les amuse, que ça ne leur coûte rien, qu'ils ne se soucient pas du propriétaire du bien incendié. Ce point de vue n'est pas imaginé, c'est ce que j'ai compris des paroles de concernés qu'il m'a été donné de rencontrer.

Vous dites que votre « problème n'est pas de savoir si le délinquant a raison ou non d'être délinquant » mais qu'il s'agit de « comprendre que son acte traduit une rage contre la société sans avoir à la juger » : d'où vous vient l'idée qu'il s'agirait d'une « rage contre la société » et comment définissez vous la « rage contre la société » ? Certes, vous m'invitez à lire une bibliographie qui appuirai votre vision du sujet. Mais il convient, dans une discussion, de ne pas renvoyer son interlocuteur à l'effort de vérifier nos dires, mais plutôt d'apporter soi même leur démonstration ou bien de reconnaitre leur fragilité.
Vous dites que les attitudes « qui caractérisent les bandes de brûleur de voiture traduisent un moyen de retourner le stigmate : se sentant exclu de la société, par toutes sortes de processus sociaux, ils se reconstruisent une image "positive" d'eux mêmes au travers de l'affirmation violente ». Mais sur quelle base repose le postulat qu'ils se sentent exclus de la société ? Et si l'on admet qu'ils se sentent exclus de la sorte, plutôt que se demander si leur comportement permet de « retourner le stigmate », ne faudrait-il pas s'interroger sur les mécanismes qui les font se sentir exclus alors que, jusqu'à preuve du contraire, personne n'est en France complètement laissé à lui-même, sans de quoi se vêtir ni se nourrir, sauf peut-être les SDF.

Vous concluez en disant que « la première qualité d'un sociologue est de s'abstenir de penser en termes moraux ("il ne devrait pas faire ça, il a tout ce qu'il veut") et de s'efforcer de rester analytique ("s'il fait ça, c'est parce qu'il a ce sentiment, et ce sentiment provient d'une situation sociale") ». Soit. La science n'a, en effet, que faire de considérations morales. Toutefois, le sujet que vous abordez est si actuel que vos positions prennent rapidement une dimension politique : on s'en sert pour évaluer comme gérer la société, bref, gérer la polis, cité. Si, bien sur, le propos du sociologue n'est pas de dire qu'un individu devrait être différent, rien n'interdit le sociologue de faire le constat qu'un individu « a tout ce qu'il veut ». C'est même un constat qu'il se doit de faire, si c'est exact, car sinon le sociologue ne décrit plus la réalité sociale. Aussi, dans l'analyse, il convient de toujours être prudent. Le sociologue peut dire que « s'il a fait ça, c'est parce qu'il a ce sentiment », bien sur. Mais pour expliquer ce sentiment, il ne peut se contenter de dire qu'il « provient d'une situation sociale », il doit aussi étudier le mode de raisonnement de cet individu qui lui fait que de sa situation sociale il en vient à ce comportement. Car une situation n'explique pas un geste : on sait pourtant que dans la même situation, divers individus évoluent différemment, du fait de leur tempérament (et qu'est-ce donc alors sinon leur éducation, vécu, références culturelles ?). En creusant un peu plus, le sociologue prudent devrait aussi remarquer que les sentiments sont très délicats à jauger, qu'il est difficile de dire qu'untel « a ce sentiment » alors qu'après tout il nous dit ou semble avoir ce sentiment. Le délinquant ne racontera pas ses hauts faits de la même manière à un journaliste, un sociologue, une assistante sociale, un magistrat qu'à ses copains. Si, bien sûr, certains seront honnêtes et auront bien été guidés par les sentiments qu'ils reconnaissent spontanéments, faut-il se voiler la face et ne pas considérer que d'autres savent quel discours est attendu pour les deresponsabiliser, notamment pour leur retirer la culpabilité d'avoir, par exemple, incendié la voiture de leur voisin smicard ou violé la petite voisine - une culpabilité qui doit-être lourde à porter, pour celui qui prend le parti de s'assumer pleinement ?

Denis Colombi a dit…

Réponse point par point one more time :

- Une fois de plus, il n'y a pas besoin d'avoir une position "préventive" pour dire que la génèse de la domination politique du paradigme répressif trouve ses origines dans un recul de l'Etat social. D'abord, parce que je ne m'exprime pas sur l'efficacité des deux paradigmes. Ensuite, parce qu'il s'agit d'une constatation empirique, particulièrement pertinente pour les Etats-Unis. Enfin, parce qu'il n'y a pas besoin d'un lien entre pauvreté et délinquance. L'Etat doit gérer la pauvreté, perçue, à tort ou à raison ça n'a aucune importance pour le schéma, comme des "classes dangereuses" par les gouvernements et les catégories plus riches. Dans un premier temps, il le fait en cherchant à compenser la pauvreté par des aides sociales. Dans un deuxième temps, la valorisation de l'effort individuel, de la responsabilité et ce genre de chose devient plus forte. On abandonne alors l'assistanat en vue d'une gestion pénale : pénalisation des chômeurs, des travailleurs pauvres, renforcements policiers, etc. L'objectif n'est pas seulement de contenir une délinquance, mais aussi de rassurer ceux qui craignent la pauvreté. Quant au lien entre pauvreté et violence, je vous invite à relire les bibliographies dans mes notes concernant la délinquance et les quartiers difficiles. Vous y trouverez tout ce dont vous avez besoin.

- Sur les limites que mon exemple permet de faire ressortir quant à la répression, elles ont principalement à voir avec la notion de carrière : la répression a peu de chances de permettre des sorties de carrière pour les individus qui y sont le plus avancé. Mettez un mafieux qui ne fréquente que des mafieux en prison pour 10 ans, il sera toujours mafieux à la sortie (sauf exceptions rares, dues à un travail particulier en prison). J'ai aussi soulever le problème fondamental que toute répression doit respecter l'Etat de droit.

- Sur la thèse des violences pour protéger le trafic, je vous invite à ne pas jouer le jeu dangereux du retournement de la charge de la preuve, et à prouver vous-même votre thèse.

- Votre remarque sur Mucchielli est horripilante justement par qu'elle s'apparente à un retournement de l'argument d'autorité... Si vous voulez critiquer ce que je dis à partir de ses travaux, c'est ces travaux qu'il faut critiquer, pas un texte qui n'a rien à voir. Regarder ce qui se dit, pas qui parle et d'où il parle, en un mot. Il apparait évident qu'une tribune engagée dans la presse, visant à peser dans le débat public, ne peut pas avoir les mêmes exigences qu'un texte scientifique.

- Le reste de votre remarque sur Mucchielli m'invite à penser que vous n'avez pas lu son livre. Il y montre, avec une grande rigueur, que les fameuses "tournantes" existaient déjà point par point chez les blousons noirs dans les années 50 : même type de jeunes, même position sociale, même âge, même faits... Puis, s'appuyant sur les meilleures enquêtes disponibles sur le cas français, il montre que le rôle de la religion est tout à fait marginal dans ces comportements, et que l'explication se trouve ailleurs. Enfin, il souligne la construction sociale et médiatique d'une image tout à fait déformée de ces tournantes. Je pense que vous gagneriez à lire le livre directement. C dans l'air est une bonne émission, mais comme toute émission de télé elle est peu propice aux développements argumenté.

- Vous me dites d'abord que la police s'en prend aux consommateurs pour gêner les trafiquants. Soit, je comprend parfaitement la logique. Il me semble alors logique que, pour les stupéfiants les plus chers, il faut chercher, dans cette logique, à intervenir auprès des consommateurs les plus fortunés. Alors pourquoi ne pas intervenir dans les quartiers chics ou au moins classes moyennes ? Ce n'est pas seulement une question d'efficacité - même si cela joue - c'est aussi une question de construction des problèmes sociaux sur lesquels interviennent les policiers et de logique de leur travail.

- Sur la police de proximité, il y a des expériences intéressantes menée à Marseille. Police de proximité ne veut pas dire que les policiers doivent se comporter comme Casimir sur l'île aux enfants. Mais simplement qu'avec une présence plus longue sur le terrain, des actions pour nouer des liens avec la population, on peut arriver à pacifier quelque peu les relations polices/jeunes. Si ces relations sont dégradés, ce n'est pas seulement la faute des jeunes : il faut aussi s'interroger sur les modes d'action policier, sur leur culture professionnelle, etc. Consultez le site "liens socio" dans mes liens : vous y trouverez un article très intéressant sur cette question (dans la rubrique "idées").

- Concernant les émeutes, vous vous fourvoyez totalement sur les ressorts exacts de celle-ci. Les émeutes de novembre 2005 n'ont pas suivit une tentative d'arrestation d'un trafiquant... Celle de 2000 étudiée par Beaud et Pialoux montre clairement que les jeunes qui s'y sont impliqué n'étaient pas motivés par la défense du trafic. Il y a bien une raison dans les émeutes qui dépasser les sympathies/antipathies locales : c'est la frustration relative, le manque de représentation, la colère sourde d'une jeunesse sans recours politique. Consultez ma note "les illusions de la diversité" pour en savoir plus.

- L'ilôtage n'est pas la police de proximité. Le problème de celle-ci est que rien n'a été fait pour évaluer le travail de proximité des policiers et les valoriser lorsque ce travail était bien fait. Par conséquent, ils s'y sont peu impliqué - ce qui est bien normal : ce qui est valorisé pour un policier est l'arrestation ou le maintien de l'ordre, pas le travail de proximité. Les policiers ne sont pas en faute dans cette affaire : c'est la réforme qui a mal été mise en place.

- Concernant le rôle de la répression contre le trafic de drogue, c'est là où une réflexion sur les causes de la consommation et de la vente, des comportements des acteurs impliqués et de l'enracinement social de celui-ci est importante.

- Concernant votre conclusion, c'est justement parce que la réponse à la question vous semble évidente que vous devriez pousser plus loin la réflexion. Deuxième qualité du sociologue : se souvenir que rien n'est évident. Le sentiment d'exclusion des jeunes des quartiers populaires trouve sa source principalement dans le caractère urbain de leur inscription sociale et spatiale. Leur position économique fragile, du fait des faibles ressources parentales en terme culturel, économique et scolaire, les amènent à partager une "communauté de destin", produite par l'appartenance commune à un quartier ségrégé (la ségrégation des quartiers populaires doit essentiellement aux départs des classes moyennes), les modes de sociabilité juvénile (eux mêmes dépendants de l'inadéquation entre les logements et les besoins des familles), l'enferment des destins sociaux, et bien sûr les jugements sociaux extérieurs, au premier rang desquels les jugements scolaires. L'ensemble de ces processus - qui mériteraient un développement bien plus grand que ce que je peux faire dans un commentaire - amène, au final, la production d'un groupe "en négatif", par réaction au sentiment d'exclusion, ce d'autant plus que s'impose une lecture des inégalités en termes de discrimination (cette lecture étant lié à des dynamiques urbaines et scolaires complexes). Au final, la frustration que vous pensez subjective est objectivement là - pour parler comme Berger et Luckmann, l'intersubjectivité a produit un monde de chose, une réalité.

- Sur votre dernière remarque, je dirais simplement que les usages sociaux de la sociologie peuvent être différents des objectifs que se donne et doit se donner le sociologue. Et dans le cas de ce blog, s'il plait à quelqu'un d'utiliser cette note dans un objectif politique, libre à lui, mais je ne peux en être tenu pour responsable. Pour le reste, tout sociologue retravaille ses entretiens ou ses notes d'observation. Ce qui me semble manquer à votre propos, c'est que le mode de raisonnement de l'individu dépend de ses ressources et de son inscription sociale - c'est pour cela que nous avons des théories. Si le sociologue a bien fait son travail, le comportement qu'il cherche à expliquer doit nous paraître, à la fin, "naturel", logique, implacable. Je pense avoir apporter suffisamment de réponses aux processus sociaux qui amènent la frustration dans le point précédent. Du moins, je ne peux pas développer plus pour ici. Il y aura bientôt une note sur les questions urbaines et spécifiquement la ségrégation.

Anonyme a dit…

ouah.

Je m'aventure en terrain miné pour demander uniquement quelles seraient les solutions envisageables du point de vue de l'auteur et de celui de son très long contradicteur?

J'ai un peu le sentiment que devant l'existence d'un phénomène que l'on a pas pu ou pas voulu enrayer nous nous trouvons dans une situation d'avalanche. Au début c'est blocable mais ensuite cela devient impossible à stopper.

Pour ce qui est des "conclusions" sur la différence entre interventions contre le traffic de cocaine et de canabis, je dois dire que le citoyen que je suis ne se satisfait pas de la seule réponse qui consiste à dire "ça se voit moins". Le volume de transaction est moindre probablement, le volume financier l'est probablement moins, le bilan social à l'avenant...

D'autant que cette différence de visibilité accrédite la vision des quartiers d'une stigmatisation étatique, un peu comme la messe médiatique autour de la délinquance de prédation alors que celle-ci est 3.5 fois moindre que la délinquance financière, par nature invisible...

Désolé de vous avoir interrompu. :)

Anonyme a dit…

Peut-être que les divergences de vue entre "Marcel" et l'auteur du billet sont essentiellement dues à une perspective différente.

Le premier semble voir les affaires au cas par cas et bien connaître le domaine (magistrat, avocat, PJJ... ?) ; le second traite des groupes de population en général.

Sans doutes les expériences particulières de "Marcel" ne reflètent-t-elles pas nécessairement la généralité des comportements.

Les personnes arrêtées et jugées sont sûrement, par exemple, les individus les plus avancés dans la "carrière" ou les plus rebelles, tandis que la masse des individus déviants a peut-être une façon différente de voir son rôle, je n'en sais rien, je tentais juste une difficile synthèse entre deux argumentaires longs et à leur manière très pertinents.

Denis Colombi a dit…

@ Frednetick : mes solutions ? Oulà. Ce n'est pas forcément ma vocation de donner des solutions. Je pense simplement qu'il est difficile de limiter efficacement la consommation de cannabis sans traiter la situation sociale qui la sous-tend.

En tout cas, si une solution doit être attendue, je ne suis pas persuadé qu'elle vienne d'une décision politique centralisé. L'action associative - des "entrepreneurs de morale" comme dirait Becker - serait peut être plus efficace.

@ddt : je pense qu'il y a un peu de ça. En tout cas, il s'agit surtout d'une différence de point de vue.

Je profite de ce commentaire pour signaler qu'à l'avenir, je demanderais des commentaires moins long. Pas que je refuse la critique, mais j'ai l'impression que de telles "passes d'armes" dissuadent d'autres personnes de s'exprimer, voyant qu'un débat est déjà en cours. En outre, ça me prend un temps fou pour répondre. Par contre, si quelqu'un veut critiquer un de mes billets sur son propre blog et laisser le lien ici, j'en serais plutôt satisfait, et poursuivrais le débat autant que nécessaire.

Pour cette note, évidemment, je laisse Enclume alias Marcel répondre avec toute la place qu'il veut. Il s'agit d'être fair play.

Anonyme a dit…

Il est bien gras le troll, ici!

Et on voit clairement d'où il parle: en reprochant à une pensée, qu'il imagine unique, de faire de l'ombre à sa pensée de "bon sens" qui ne peut supporter aucune déviance, il est le porte-étendard héberlué de la sarkonnerie envahissant le monde: comme à la corrida, attendons le moment où il va se manger le mur à pleine vitesse!

En fumant un petit joint c'est exquis, juste faire gaffe aux éclaboussures du Karcher.

Anonyme a dit…

quelques réflexions, qui ne feront surement pas avancer le débat, mais que ce débat à suscité:

sur la déviance et l'ivresse:
mon fils de deux ans et demi tourne sur lui même jusqu'a ce qu'il perde l'équilibre, cela le fait beaucoup rire. Est ce un début de déviance (j'adore ce mot tant il est porteur de morales, de normes et d'idéologies) que je devrait réprimer et prévenir??
Son comportement peut'il s'inscrire dans vos réflexions?

sur l'appropriation territoriale et son rattachement à la délinquance:

Quand j'était enfant, j'ai grandi dans une banlieue pavillonnaire, pas vraiment bourgeoise, mais très tranquille. Qui rentrait dans notre rue (nous=le groupe d'enfant de la rue), pénetrait notre territoire, c'était chez nous. A dix nous avions pas de traffic à préserver, mais une socialisation à opérer avec ce que nous avions.

En bref, vos discours sont très intéressants, surtout sur la méthode mais se cantonnent à des paramètres trop réducteurs qui dépendent en premier lieu d'une équation qui me parait discutable: Il y aurait une (des) réponse(s) à apporter à un problème.
J'ai l'impression que vous présupposez que les fondements de la pensée normative sont indubitable, et qu'ils embrassent les diverses facettes d'une question, ce dont vous me permettrez de douter.
Ce billet fait réellement avancer l'inclusion de la sociologie dans le débat politique, mais la question qui restera en débat c'est la norme, et donc l'instrumentalisation de l'outil sociologique par les idéologies.

Denis Colombi a dit…

@ anonyme : le mot déviance ne comporte rien d'idéologique : il désigne simplement un comportement qui dévie de la norme en vigueur dans une société. Cette déviance fait l'objet d'un étiquetage : ce n'est pas l'acte lui-même qui est déviant, mais la façon dont la société le qualifie qui le rend déviant. Ainsi, des comportements déviants du point de vue d'un groupe social donné seront considérés comme normal par un autre.

Sur l'attachement territorial, je ne prétend en aucune façon que celui-ci est directement lié à la délinquance. Il est un phénomène de plus qui explique certaines formes de délinquance dans un contexte précis, c'est-à-dire en lien avec d'autres facteurs.

Je ne suis pas sûr de bien vous suivre sur les fondements de la pensée normative.

Pour le reste, les utilisations "idéologiques" de la sociologie - et de la science en général - sont inévitables. On passe alors à la politique et à la philosophie - au mieux plaisir. La sociologie est justement utile parce qu'elle permet une réflexion politique ou philosophique mieux informée sur le réel.

Anonyme a dit…

Badtz,

Il était question de la « genèse de chacune de ces deux positions », pas de la « génèse de la domination politique du paradigme répressif ». Passons. Pensez-vous que la tendance répressive était moindre lors de période où la notion d'Etat providence n'existait pas encore ? Il me semble qu'une telle proposition nécessiterait une démonstration impossible, vu que la notion de prévention est bien plus jeune que celle de répression, que, par conséquent, de diverses formes d'organisations sociales pourraient être dites répressives, des plus étatiques aux moins étatiques.


Vous dites que « la répression a peu de chances de permettre des sorties de carrière pour les individus qui y sont le plus avancé. Mettez un mafieux qui ne fréquente que des mafieux en prison pour 10 ans, il sera toujours mafieux à la sorti ». Il est douteux que votre mafieux hors de prison cesse de de fréquenter d'autres mafieux, change de mode de vie pour une vie plus fruste (sans argent facile). Ce n'est pas impossible, mais le fait qu'un délinquant le reste à sa sortie de prison ne prouve pas qu'il aurait changé sans la prison.


Concernant « la thèse des violences pour protéger le trafic », qu'attendez-vous comme démonstration ? Faut-il démontrer que ces violences diminuent la présence policière, qualitativement et quantitativement ? Demandez à faire une étude de terrain en suivant un équipage de police secours dans un coin sensible du 93, vous constaterez que même les opérations les plus triviales sont réduites à leur plus simple expression parce qu'il est trop dangereux pour les policiers de rester longtemps au sein de ces coins sensibles à certains moments de la journée. Etudiez ensuite les points de passage des circuits de stupéfiants, vous constaterez que ces mêmes coins sont des hauts lieux de trafic. Serait-il possible d'installer des trafics avec quasi pignon sur rue dans des secteurs où la police est maître de sa présence ?


Concernant les stupéfiants, vous dites qu'il « faut chercher, dans cette logique, à intervenir auprès des consommateurs les plus fortunés ». Ce n'est pas tout à fait faux. Mais votre proposition « d'intervenir dans les quartiers chics ou au moins classes moyennes » est inopérante. La police ne peut pas contrôler l'ensemble de la population, ni procéder à de massifs contrôles arbitraires. Vous ne l'acceptériez pas et vous auriez raison. Lorsque la police vise des consommateurs, indistinctement de leur couche sociale, elle doit donc aller là où le trafic se fait de manière flagrante (je ne parle des services d'investigation qui peuvent se permettre filatures et écoutes, ceci leur permettant d'avoir connaissance du trafic où il se produit, dans n'importe quel quartier), c'est à dire dans les quartiers sensibles.
Ensuite, comme je vous le disais, le consommateur de stups ne constitue pas intrinsèquement un trouble social. Certes, il finance les réseaux mafieux. Mais ses infractions sont sans victime directe. Mais lorsque ce consommateur est marginal et sans revenu, la nécessité de s'acheter des produits stupéfiants et la marginalisation le pousse à commettre de multiples infractions, créant un trouble social que ne crée pas, par ailleurs, le cadre sup héroïnomane.


A propos de la « pol prox », vous écrivez que « si ces relations sont dégradés, ce n'est pas seulement la faute des jeunes : il faut aussi s'interroger sur les modes d'action policier, sur leur culture professionnelle, etc ». Je pense qu'il est évident que la mauvaise image de la police tient en partie au comportement de certains de ses (mauvais) éléments. Quoi qu'il en soit, je pense qu'il est aujourd'hui vain de vouloir populariser la police par coup de pub vu que le trafic s'est banalisé parmi les jeunes des quartiers sensibles au point que, même s'ils ne sont pas délinquants, ils vivent mal le placement en garde à vue de leurs connaissances qui sont trafiquants. La magouille à pris une part trop grande, faisant de la police un ennemi objectif, au delà des comportements individuels positifs ou négatifs de ses membres.

Vous écrivez que « le sentiment d'exclusion des jeunes des quartiers populaires trouve sa source principalement dans le caractère urbain de leur inscription sociale et spatiale ». J'observe que là où j'habite, il y a la possibilité à 4, 5 minutes à pied de se retrouver dans un cadre forestier idyllique. Les loisirs ne manquent pas, le grand air ne manque pas. Les moyens de locomotion ne manquent pas. Pourtant, les « jeunes des quartiers populaires » restent en bas de leur escalier. Alors, est-ce réellement un simple problème d'urbanisme ? Il y a 30 ans, la voiture restait un bien difficilement accessible même aux classes moyennes. Pourtant, les classes moyennes emmenaient leurs enfants faire des randonnées à la montagne, en prenant le train ou l'autocar. Aujourd'hui, alors que les moyens de locomotions sont décuplés, certains ne sortent pas. Alors est-ce une question d'inscription dans un cadre social et spatial ou est-ce aussi une question d'éducation, d'ouverture d'esprit et de volonté ?



Sur la question d'organisation de la discussion : je partage votre sentiment, mes commentaires sont d'une effarante longueur car le sujet est complexe et votre rticle de départ abondant de pistes. Un billet sur mon propre blog eut été plus approprié.




Frednetick,

Vous demandez quelles « seraient les solutions envisageables ».

Je crains qu'il n'existe aucune solution largement efficace mais plutôt un ensemble de petites solutions qui pourraient améliorer la situation si elles sont mises en application avec rigueur.

Démonter les grands ensembles / Construire à la place des groupements où les familles ont responsabilité de leur environnement (attendre des parents qu'ils éduquent leurs gamins, c'est aussi s'assurer la possibilité matérielle pour eux d'un contrôle parental) / Ne pas tolérer que les populations des grands ensembles soient relocalisées en groupes ethniques / Réformer la justice des mineurs afin que l'enrayement du cheminement délinquant d'un mineur ne repose pas uniquement sur sa bonne volonté (délicate à obtenir lorsqu'en contrepartie de l'abandon du ludique et du fric, on n'a pas grand chose) / Investir pour que l'ensemble des peines soient exécutées, et dès leur prononcé (pas 3 ans après).




Anonyme,

Votre enfant fait des expériences. En tant que parent, c'est à vous de voir comment les encadrer. Je ne pense pas qu'un comportement appelle à repression tant qu'il n'est pas nuisible à autrui.

Denis Colombi a dit…

@enclume : point par point one more time :

- Excusez moi, mais je sais de quoi je parle. Vous amputez d'ailleurs ma citation : "et à leur développement dans l’espace public". Le but de la remarque, que je n'ai d'ailleurs pas plus développé, était de montrer que l'on peut expliquer pourquoi le paradigme répressif se développe et devient dominant. De même que je signale que l'on peut expliquer sociologiquement l'interdiction du cannabis. Je voulais, en introduction, fixé ces choses que je ne comptais pas développer par la suite.

- Si j'ai dit que la répression échouerait à changer certains types de délinquant, cela ne veut nullement dire que je prétend que ne pas l'appliquer les changerais... Ce n'est pas parce que A n'entraîne pas B que C entraine B. Il faut simplement savoir ce que l'on attend de la répression. D'ailleurs, la prison peut être une occasion de changer si celle-ci propose certaines structures : ce qu'a montré Laurent Gras en étudiant le rôle du sport en prison.

- Ce que j'attend comme démonstration concernant le fait que toutes les violences urbaines (et notamment les émeutes) sont faites dans le but d'éloigner la police serait déjà une estimation du nombre de jeunes qui vivent effectivement du trafic... et aussi quelques explications sur la forme particulière des émeutes, leur diffusion en novembre 2005, etc. Des preuves quoi.

- Sur l'arrestation des consommateurs, effectivement je n'accepterais pas que la police arrête tout le monde : mais j'ai des ressources politiques pour le faire savoir. Les jeunes des banlieues non plus n'acceptent pas qu'on arrêtent tous leurs copains, mais ils ont moins de ressources politiques légitimes... Derrière cette concentration de l'activité policière, il y a aussi une logique du métier, ou, plus précisement, de construction des problèmes sociaux.

- Sur la police de proximité, vous estimez que la mauvaise image provient essentiellement de "mauvais éléments". Ce n'est pas aussi évident : je vous indiquais un article, fruit d'une enquête de terrain avec les policiers, qui montre justement que c'est dans la logique normale du travail policier que se trouve le problème. Il ne s'agit pas de dire que les policiers sont tous des salauds : au contraire, l'écrasante majorité essaye de faire son boulot au mieux. Simplement qu'ils ont leurs propres normes et que celles-ci ne sont peut être pas adaptées aux problèmes actuels. La police de proximité aurait été un moyen de faire évoluer ces normes.

- Sur le caractère urbain, je pense que je me suis mal fait comprendre. Je vais essayer de résumer brièvement une idée longue. L'urbain, d'un point de vue sociologique, se caractérise à la fois par la division sociale de l'espace et la cohabitation de groupes sociaux différents. La division, on la voit dans la présence de quartiers homogènes socialement : les banlieues populaires. Apparait alors un groupe attaché à un territoire : celui des jeunes des quartiers. Mais ce groupe n'est pas totalement coupé du reste de la ville : la cohabitation de groupes sociaux, elle, se fait dans la rencontre entre ces groupes et d'autres groupes, essentiellement la police. La conjonction de ces deux dynamiques produit un groupe particulier caractérisé par un rapport dégradé avec la police et les institutions. Ce n'est pas tant une question d'urbanisme - rajoutez des espaces verts ne servira certes pas à grand chose - mais de sociologie de la ville.

- Cela dit, vous évoquez par la suite les classes moyennes... or, ces classes moyennes sont justement celles qui ont fuit les quartiers populaires, provoquant la ségrégation urbaine (là aussi, il n'est pas question de les blâmer : leurs comportements étaient rationnels, mais produisent un effet pervers). Pour le reste, dans des quartiers marqués par le chômage, la pauvreté, les handicaps sociaux, l'échec scolaire, il est difficile d'attendre des parents qu'ils aient simplement les moyens d'amener les gamins à une belle balade en fôret. Beaucoup ne peuvent même pas partir en vacances...

Anonyme a dit…

Article passionnant, que j'ai dû garder en lien quelques jours avant d'en lire l'intégralité (je suis désolé, comme beaucoup dans notre société de consommation de masse, je suis au premier abord un peu déstabilisé par des textes longs; heureusement, le "parler djeuns" soutient l'attention et apporte une légèreté bienvenue). Ca m'a notamment donné envie de lire l'ouvrage de Boudon.

Anonyme a dit…

Concernant les violences urbaines : évidemment, je ne dis pas qu'absolument tous les faits de violences sont destinés à éloigner la police. Je dis que la pratique du trafic est logiquement gênée par la présence policière et que, par conséquent, les jeunes habitants des quartiers sensibles très tôt s'habituent à considérer la présence policière comme une gêne. Les plus jeunes sont rémunérés, ou considérés, par leurs aînés, lorsqu'ils avertissent de l'arrivée d'un véhicule de police (faites une enquête de terrain, vous constaterez qu'étonnement, dans certains quartiers, les gamins sifflent beaucoup, mais seulement quand un véhicule de police approche). Les caillassages de véhicules de police ont une dimension ludique. Certains prétendent que c'est l'incarnation des mauvais rapports avec la police. Les bus aussi sont caillassés ? La faute au prix des tickets de bus (qu'il serait erroné de dire que tous paient, même lorsque le chauffeur est censé faire le contrôle à la montée) ? Que dire alors des sapeurs-pompiers ? Quels torts font-ils ? Les caillassages ont une dimension ludique, disais-je. Amusant pour un gamin. Quel gamin n'a pas adopté de jeu idiot, tant qu'un adulte ne l'a pas rappelé à l'ordre. Les caillassages sont ludiques, mais ils imposent aux policiers de la méfiance - par conséquent moins de présence. Il y a peu, des individus d'un quartier sensible ont été condamnés pour avoir commis des représailles à l'encontre de gens ayant déposé plainte : là encore, il s'agit de violences qui indirectement on pour objet d'éloigner la police. Que dire, par ailleurs, du fait que la police est dans l'impossibilité pratique d'appréhender des délinquants dans leur quartier sensible dès l'après-midi, le risque de début d'émeute étant réel. Ce qui s'observe, c'est que dans ces quartiers, le succès du commerce illicite va de pair avec les problèmes rencontrés par la police. Les jeunes, d'ailleurs, souvent narguent les policiers, conscient des limites de leur action - sachant qu'ils peuvent notamment outrager ou commettre des infractions routières sans trop de risques de sanction, tant qu'ils sont dans leur quartier.

Concernant le nombre de jeunes vivant de trafics, je pense qu'il ne faut pas se demander combien en vivent mais combien en tire bénéfice. Un certain nombre de trafiquants vivent encore chez leurs parents, y sont logés, blanchis et nourris. Par contre, dans ces mêmes maisons, on trouve des home cinema, du matériel haut de gamme dernier cri. Certains sont collégiens et n'hésitent pas à revendiquer leurs bénéfices en classe, dans le but de dénigrer l'enseignant dont le salaire horaire est moindre.

Tout ceci ne démontre pas absolument que les violences sont commises dans le but d'éloigner la police des trafics. Par contre, il est clair que ces violences permettent cet éloignement. Quant à l'importance de l'implication des trafics dans les quartiers sensibles, je pense qu'il y a là matière à une étude de sociologie de terrain. Du point de vue pénal, cette implication est manifeste, mais le pénal ne s'intéresse pas à tous les habitants de ces quartiers mais à ceux qui commettent des infractions. Cela donne un ordre de grandeur mais pas une proportion.

Je crains que ce commentaire prenne de la longueur. Je vais donc laisser temporairement de côté ce sujet et vais sérieusement envisager d'en faire un billet sur mon propre blog.



Concernant « l'arrestation des consommateurs » dans les beaux quartiers et les quartiers sensibles, la question n'est tant de savoir si vous avez des ressources politique pour faire savoir que cela vous gêne. Le problème, c'est que dans les beaux quartiers, il n'y a pas de raisons plausibles de soupçonner que des gens ont commis des infractions à la législation sur les stupéfiants. Les trafics ne sont pas flagrants et implantés. Lorsqu'un véhicule avec une immatriculation d'un département étranger sort de ces quartiers chics, il n'y a pas de raison objective de penser que l'unique raison de leur venue lointaine est de prendre un chargement de stups. Tout simplement parce que si ces faits existent peut-être, ils sont rares. Ils sont bien trop rare pour que les soupçons soient plausible.
Il en va tout autrement dans les quartiers sensibles, où le plausible est au quotidien, parce que les trafics sont flagrants au quotidien.
Et cet aspect des choses est appuyé par la loi, qui ne permettrait pas de contrôles à tout va (je ne détaille pas plus, par souci de concision).
La question n'est donc pas des ressources politiques que vous avez ou que vous n'avez pas.


Vous évoquez « un rapport dégradé avec la police et les institutions ». On pourrait ajouter : un rapport dégradé avec une large part du reste de la population (le vote Sarkozy n'est sans doute pas sans lien avec son discours sur les racailles).

Vous dites que « rajouter des espaces verts ne servira pas à grand chose » parce que « ce n'est pas tant une question d'urbanisme ». Je n'en suis pas si sur. J'observe que des expériences ont été faites dans certaines villes, qui consistent notamment à réaménager certains immeubles pour que le bas de l'immeuble soit un jardin privatif de l'immeuble (grillagé, etc). Cela eut pour effet de stopper les destructions de boites au lettre, l'urine dans l'ascenseur, etc. Tout simplement parce qu'en réduisant le nombre de personnes ayant accès aux locaux, on a responsabilisé les habitants. Il n'était plus possible de passer à côté de destructions/dégradations sans savoir qu'elles devaient être le fait soit de ses mômes, soit de ceux du voisin d'en face.
La pauvreté n'explique pas tout. La pauvreté n'impose pas de dégrader son cadre de vie. Les conditions de vie dans les quartiers sensibles français sont franchement meilleures que les conditions de vie dans les 3/4 restant de la planète. Pourtant, dans ces 3/4 restant, on ne commet pas partout des dégradations.

(évidemment, cette expérience ne peut fonctionner qu'avec des immeubles de dimension raisonnable)


Vous dites qu'il « est difficile d'attendre des parents qu'ils aient simplement les moyens d'amener les gamins à une belle balade en fôret. Beaucoup ne peuvent même pas partir en vacances ». Comme je vous le disais, la balade en forêt est quasiment gratuite. Vu que tout le monde a un téléphone portable dans les quartiers sensibles (comme ailleurs), on doit au moins avoir de quoi payer un voyage en bus une fois dans la semaine pour aller à quelques kilomètres de là. L'explication financière ne tient pas la route.

DJ dingo a dit…

En passant :

"
Vous dites qu'il « est difficile d'attendre des parents qu'ils aient simplement les moyens d'amener les gamins à une belle balade en fôret. Beaucoup ne peuvent même pas partir en vacances ». Comme je vous le disais, la balade en forêt est quasiment gratuite. Vu que tout le monde a un téléphone portable dans les quartiers sensibles (comme ailleurs), on doit au moins avoir de quoi payer un voyage en bus une fois dans la semaine pour aller à quelques kilomètres de là. L'explication financière ne tient pas la route."

Chaque ethnie a sa propre culture... Elles peuvent aussi avoir peur, des préjugés pour se promener dans un lieu "bourgeois".
Autrement, il y a aussi le problème des mères célibataires élevant seule leur enfant, sortir devient tout simplement difficile à organiser.

Denis Colombi a dit…

@enclume : sur les violences urbaines, je vois que vous êtes quelque peu obligé de reculer : il n'y a donc plus intentionnalité directe de défendre le trafic, mais c'est un simple effet émergeant (ou effet pervers) des comportements protestataires et ludiques d'une partie de la jeunesse. On y arrive.

Maintenant, reste à savoir pourquoi une partie de la jeunesse des quartiers populaires s'adonnent à ce type de jeu : pourquoi s'en prendre spécifiquement à tout ce qui représente les institutions ? Pourquoi s'en prendre à l'habitat ? Derrière ce type de comportement - les incivilités - il y a une forme de frustration relative.

Vous ne répondez pas vraiment quand au nombre de jeunes dont on peut honnêtement penser qu'ils tirent bénéfice du trafic...

Sur les consommateurs dans les beaux quartiers, il y a de bonnes raisons de penser qu'ils sont présent : les enquêtes de victimation... qui justement indiquent que la consommation de drogue est loin d'être l'apanage des quartiers populaires

Vous revenez à juger moralement les comportements. Peu m'importe que les 3/4 de la planète vivent moins bien que les jeunes de quartiers populaires : c'est la façon dont eux vivent cette situation qui est importante. Or ils voient les normes qu'imposent la société - réussite, argent, prestige -, ils voient la norme, très forte en France, de l'égalité et de l'égalité des chances... mais ne voient pas fonctionner cette dernière pour eux. Ils en tirent une frustration relative, c'est à dire par rapport à la position à laquelle ils estiment avoir droit. Cette frustration trouve différentes expressions. Mais le point important est qu'elle ne s'explique pas par un revenu inférieur à X€, mais de façon relative.

Sur la balade en forêt, je pense d'abord qu'il ne faut pas trop s'illusionner sur les vertues d'une "grande balade au grand air en famille"... Ensuite les ressources sont également symboliques : quelle autorité un père au chômage de longue durée et sans ressources peut-il excercer sur un jeune avide de réussite rapide tenté par la culture de la rue ? Il y a aussi des questions de temps et des questions pratiques : beaucoup de familles nombreuses vivent, dans ces quartiers, dans des logements trop petits : il n'est donc pas étonnant qu'une partie des enfants traînent dehors, faute de place dans la maison.

Anonyme a dit…

je vous sais gré d'avoir émis chacun quelques pistes de réflexions qui recoupent très largement celles auxquelles j'avais abouti.

Un point cependant me turlupine monsieur enclume marcel, c'est celle du trafic dans les "beaux quartiers".

C'est justement parceque ce trafic existe, perdure, propspère même que la répression visant d'autres trafic plus visibles dans les quartiers est ressentie comme une stigmatisation.

Sur le rôle de l'urbanisme je rejoins marcel sur son importance, des restructurations pensées favorisent à l'évidence une baisse des comportements "déviants". Sinon on peut dire adieu à la politique de la ville...

Denis Colombi a dit…

Concernant l'urbanisme, j'ai peut être semblé plus radical que je le suis : la rénovation des quartiers en difficulté serait, cela semble évident, une bonne chose. Le problème est que les questions d'urbanismes ont une sérieuse tendance à être privilégié sur les questions sociales, pourtant beaucoup plus prégnantes : il ne suffira pas de mettre des fleurs et des jardins privatifs partout si on ne réfléchit par sur la ségrégation urbaine et ses causes sociales, sur l'enclavement, sur la représentation politique, sur les discriminations, etc.

Anonyme a dit…

La discution d'experts en sociologie est intéressante à découvrir, mais il semblerait que vous occultiez un certain nombre de questions d'entrée de jeu, en premier lieu desquelles, présentant la lutte contre le cannabis comme une nécéssité, on passe à coté d'un débat sociologique tout aussi intéressant.
En effet, pourquoi lutter contre le cannabis, alors que d'autres drogues sont socialement acceptables, comme l'alcool ou le tabac. Il est d'ailleurs amusant de constater que chez nombre de mes amis "insérés" (ce que je ne pense pas être et n'ai aucune envie d'être), il existe une franche séparation entre, par exemple, alcool et cannabis, ou alcool et cocaine.
Sans vouloir rentrer dans une discution pseudo scientifique sur la dangerosité, il n'en reste pas moins que l'un comme l'autre sont des drogues, puisqu'elles provoquent des effets d'accoutumance, de manque et modifient le comportement.
Une drogue est par définition dangereuse, quelle qu'elle soit, et si certains font semblant de découvrir aujourd'hui la dangerosité du cannabis, j'ai personellement bien du mal à y voir autre chose que du bruit médiatique auquel notre cher président nous a habitués. Et qui fait vendre moult journaux s'offuscant du pseudo mensonge que les méchants dealers font passer à nos chères têtes blondes. Personne n'est dupe, sauf peut-être les parents ayant besoin de voir un ange immaculé dans leur progéniture.

Ce qui m'amène à me demander, et qui est intéressant du point de vue sociologique, est pourquoi fumer un joint serait constitutif d'un comportement déviant, alors que prendre l'apéro avec des amis serait un acte social normal.
D'un point de vue légal, fumer un joint ou posséder du cannabis fait de la personne un délinquant. Mais cet aspect de la question mériterait un autre débat, qui est de savoir si l'on vit bien dans une société démocratique, laissant à chacun le libre choix de sa vie et des risques qu'il encourt, ou si l'on vit dans une société post-chrétienne dans laquelle la loi a un rôle moralisateur. La récente pénalisation de la consommation de tabac dans les lieux publics en est un exemple. Le plus risible étant les quais de gare, où, comme chacun sait, un fumeur de cigarette est bien plus dangereux que les particules de métal, les fumées de gasoil, les marchandises diverses et (a)variées y circulant.

Mais d'un point de vue social, j'ai du mal à concevoir dans quelle mesure le fait de fumer un joint serait plus constitutif d'un comportement déviant, que de boire un verre à l'apéro.
Comme toute drogue, le cannabis comporte des dangers, dont les drogues socialement acceptables ne sont pas exemptes, il serait important de le rappeler. En ce sens, les campagnes d'information et de "sensibilisation" sont un tantinet amusantes, en ce qu'elles perpétuent encore et toujours une belle idée recue, qui pourrait se résumer à : "la drogue c'est mal, par contre l'alcool c'est presque bien", en carricaturant à peine.
Le fait que ces campagnes soient financées par l'état, lui même percepteur d'un impôt sur l'alcool, n'y est sans doute pas indifférent.

En bref et pour conclure, vous parlez d'un point de vue de personne insérée, il me semble cependant intéressant de renverser la vapeur et de commencer par se demander pourquoi la société accepte certaines drogues, qui de ce fait ne méritent pas socialement cette apellation, et en interdit d'autres, avant de se demander si un consommateur de drogues pénalement répréhensible suit une carrière socialement déviante. Tout est relatif, comme dirait l'ami Albert (Eisntein, pour les cancres du fond qui ne suivent pas).

Le vilain petit canard

Denis Colombi a dit…

J'ai évoqué la question de la production de la norme :

"D’ailleurs, en parlant de Becker, la sociologie peut également étudier la façon dont la norme – tant sociale que juridique – d’interdiction du cannabis s’est formée et s’est imposée. Selon l’analyse fameuse de Becker pour les Etats-Unis, il s’agit de l’œuvre d’« entrepreneurs de morale », en particulier le bureau des stupéfiants (pas ceux qui consomment la drogue, ceux qui leur courent après), qui par le biais de campagnes de presse – l’exploitation de faits divers sordides en particulier – et d’un peu de lobbying auprès des gouvernements sont parvenus à imposer cette norme. Cette analyse est très utile si l’on veut comprendre, aujourd’hui, ce qui se joue autour de l’interdiction du tabac dans les lieux publics…"

Elle ne faisait cependant pas partie du sujet que je voulais traiter et pour lequel le cannabis n'était qu'un exemple.

Vous trouverez plus d'information en lisant Becker.

Anonyme a dit…

Le cannabis, médiatiquement incorrect



Ce 31 juillet 2007, la revue Thorax publiait une recherche du Medical Research Institute of New Zealand. Les chercheurs ont évalué les effets de la consommation de cannabis et de tabac sur la structure et la fonction pulmonaires. Pour cela, ils ont recruté 339 adultes dont 75 ne fumaient que du cannabis (sous forme de joints mais aussi avec une pipe), 91 du cannabis et du tabac, 92 du tabac uniquement et 81 étaient non-fumeurs. Les conclusions de l’étude sont contrastées : sur les 5 symptômes comparés, il apparaît que le cannabis serait plus risqué que le tabac dans deux cas (risque de bronchite chronique et obstruction respiratoire) et le tabac serait plus dangereux dans trois cas (respiration sifflante, toux et emphysème). Les dépêches d’agence et la presse se sont focalisées sur un seul symptôme : l’obstruction respiratoire. Ce critère est, par ailleurs, le plus défavorable au cannabis. Ainsi, cette étude a été, et est encore, largement médiatisée sous des titres tels « Un seul joint aussi néfaste que 2,5 à 5 cigarettes » (Libération, 31.07.07), « Un joint serait aussi nocif que 5 cigarettes » (Le Monde, 31.07.07), « Fumer un joint équivaut à 5 cigarettes » (le nouvel Obs, 31.07.07), « Joint : très mauvais pour les poumons » (la Dernière Heure, 01.08.07)… Propagée de cette façon dans le grand public, l’affirmation « un joint = 5 cigarettes » est vite devenue « la fumée d’un joint est 5 fois plus cancérigène que celle d’une cigarette » . Nous laisserons le magazine Choc conclure (le 31.07.07), en affirmant : « Fumer [du cannabis] ou respirer, il faut choisir ». Rien de moins.

Pourquoi un tel rideau de fumée ?

Le cannabis n’est pas bon pour la santé. Cela ne fait que 85 ans qu’on nous le fait comprendre dans toutes les langues. D’ailleurs ce sont des motifs de santé publique qui ont présidé à sa prohibition au début du XXème siècle. Rien de neuf sous le soleil, donc. Alors pourquoi, aujourd’hui, une telle frénésie d’échos à la moindre petite étude tendant à prouver que le cannabis provoque l’obstruction respiratoire, qu’il est un facteur de risque pour la schizophrénie, etc. ? Il n’est pas facile de répondre à cette question tant les médias sont muets quant au but de leurs propres articles. La presse dans sa majorité se pose en simple témoin d’une vérité scientifique « pure ». Or, nous venons de le voir, de nombreux médias trient les arguments et préfèrent ne mettre l’accent que sur les méfaits à charge du produit le moins licite.

Certains articles évoquent ces études scientifiques comme sonnant la fin « de la polémique [entre partisans et adversaire de la dépénalisation] qui a trop longtemps obscurci la discussion » (Libération, le 07.08.07). La perspective sous-jacente serait-elle d’en finir une fois pour toutes avec le débat sur le statut juridique du cannabis ? S’agirait-il de taper sur le clou de sa nocivité pour que celle-ci dépasse, dans l’opinion, celles du tabac et de l’alcool ? Cela ne justifierait-il pas à la fois la poursuite de la prohibition du cannabis et la poursuite des politiques simplement restrictives vis-à-vis du tabac et de l’alcool ? Un tel discours ferait fi, en tout cas, de la question importante de savoir si interdire reste l’option la plus favorable à la santé.

Devant une telle montée en épingle d’informations partielles, Infor-Drogues tient à rappeler quelques éléments indispensables au débat :
· Tout comme la prohibition de l’alcool aux Etats-Unis fut une catastrophe sanitaire, la prohibition du cannabis augmente les risques pour la santé: pas de contrôle de qualité, pas de précision sur le taux de concentration en principe actif, consommation clandestine, contacts des consommateurs avec les maffias, prix très élevé, risque judiciaire, risque d’exclusion sociale, tensions familiales… ;
· La prohibition pousse les producteurs de cannabis à concentrer toujours davantage leurs produits. Tout comme les producteurs d’alcool durant la prohibition américaine. Cette concentration sans cesse croissante affecte la santé des consommateurs ;
· Une politique tolérante comme aux Pays-Bas n’entraîne pas davantage de consommations (bien au contraire) qu’une politique très répressive comme en France ;
· En dressant un portrait de ‘tueur public’ du cannabis en le comparant au tabac… ne dédouane-t-on pas implicitement ce dernier ?
· Le risque lié à l'utilisation de tout objet existe et est complexe à établir. Il dépend de critères variés. Un facteur fondamental est l'aptitude à utiliser l'objet. Autrement dit, la culture sociale propre à cet objet. Il apparaît donc clairement que la réglementation, la législation et in fine la politique ne dépendent pas entièrement de la nature intrinsèque de l'objet à réglementer mais de la capacité de la population à gérer le produit. Donc à développer un savoir-faire plus ou moins compatible avec la sécurité individuelle et l’ordre social ;
· L’enjeu de l’information est crucial, tant par ses impacts potentiels négatifs (dramatisation abusive, banalisation irresponsable…) que positifs (ouvrir des espaces d’écoute, de témoignage, de soutien aux personnes si nécessaire, de réflexion collective aussi sur le sens général de la consommation « euphorisante »… et ses limites).

Les récentes études scientifiques concernant le cannabis sont interpellantes. Bien sûr. Mais la science ne peut pas remplacer le débat. Le nombre important de consommateurs de cette substance appelle les autorités à faire le constat de l’échec de la prohibition et à prendre à bras-le-corps ce dossier trop longtemps occulté ou simplifié.

Anonyme a dit…

Badtz, vous écrivez que « maintenant, reste à savoir pourquoi une partie de la jeunesse des quartiers populaires s'adonnent à ce type de jeu : pourquoi s'en prendre spécifiquement à tout ce qui représente les institutions ? Pourquoi s'en prendre à l'habitat ? Derrière ce type de comportement - les incivilités - il y a une forme de frustration relative. »

Les délinquants des quartiers sensibles ne s'en prennent pas spécifiquement aux institutions. La voiture du voisin n'est pas une institution.
Il y aurait une frustration ? Si tous les frustrés commettaient des délits, la population serait délinquante à 80 %.

Concernant les « vertus d'une "grande balade au grand air en famille" », peut-être ne faut-il pas « s'illusionner », peut-être faut-il tenter de distinguer ce qui fait que des individus qui ont des conditions de vie largement supérieure à celles connues par nos aînés s'estiment « frustrés ».
Et je ne parle même pas du problème des logements en sous-nombre. Les parents « aux chômages » sont conscients de leur condition précaire lorsqu'ils procréent. Pourquoi le font-ils ? Cela vous viendrait-il à l'esprit de créer une famille de 5 ou 7 enfants alors que vous êtes au chômage ? Le tort en revient-il à la société dans son entier ? Si oui, hormis par l'incitation des allocations, comment ?



Anonyme,

Vous aimeriez « savoir si l'on vit bien dans une société démocratique, laissant à chacun le libre choix de sa vie et des risques qu'il encourt ». Pourquoi vous plaignez vous ensuite de l'interdiction de fumer dans les lieux publics ? C'est peut-être moralisateur, c'est néanmoins l'unique garantie pour les non fumeurs de garder la liberté de choisir de ne pas fumer et de ne pas subir de risques que les fumeurs leurs ferait encourir.

Denis Colombi a dit…

@ Enclume : j'ai écris qu'ils s'en prenaient aussi à l'habitat, les voitures en font partie... Mais surtout, brûler des voitures est un bon moyen d'attirer les caméras de télévision et l'attention des médias. En période d'émeutes, c'est là une fonction assez importante. Il y a aussi une fonction festive au feu de voiture.

Le reste de votre remarque - à savoir "Il y aurait une frustration ? Si tous les frustrés commettaient des délits, la population serait délinquante à 80 %" - relève purement de l'argument falacieux. Dire que des personnes qui n'ont ni la même frustration ni les mêmes ressources, économiques, politiques, symboliques ou autres, n'ont pas recours à la violence ne prouve absolument pas que les jeunes de banlieues n'agissent pas comme ils le font par frustration. Je pense avoir suffisamment signaler qu'il fallait ajouter d'autres éléments - le cadre urbain, sociologiquement parlant, le peu de ressources politiques, la construction de la réalité sociale propre à ces quartiers - pour que vous évitiez ce genre de rhétorique.

Vous retombez en fait sur un problème qui émaille tout vos commentaires : vous jugez la situation plus que vous ne cherchez à l'analyser et à en comprendre les ressorts. Le comportement des jeunes délinquants est condamnable moralement, il n'est peut être pas efficace politiquement, mais il n'en est pas moins là, et il est motivé rationnellement, pour peu que l'on prenne la peine de comprendre de quelle rationalité il s'agit.

Quand à votre questionnement sur "pourquoi des jeunes qui ont plus que nos ainés se sentent frustrés", je ne vais pas répéter une fois de plus qu'il sagit de frustration relative.

Enfin, sur la fin du commentaire, vous retombez dans le jugement moral : "Cela vous viendrait-il à l'esprit de créer une famille de 5 ou 7 enfants alors que vous êtes au chômage ?". On appelle cela du sociocentrisme. Peut être que cela peut sembler, à vous ou à moi, bien tranquille et assuré de notre position, idiot, mais il faudrait réfléchir aux causes exactes de ces comportements, à comprendre la rationalité - l'introduction du bouquin d Boudon parle justement de ce problème. Avoir des enfants peut être un moyen de se reconstruire un espace d'intimité et de contrôle sur sa vie que l'on a pas dans d'autres espaces sociaux, par exemple.

Mais s'il faut juger la situation, alors posons la question morale véritablement dérangeante : des enfants doivent-ils subir les conséquences d'un mauvais comportement ou d'un mauvais calcul de leur parent ? Doit-on leur dire "ta mère n'avait qu'à prendre la pilule ?". Je vous laisse le soin de réfléchir là-dessus.

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