"Marx likes it"

Sociological Images me rappelle que c'est l'anniversaire de papy Karl. Alors oui, je n'ai pas fait ceux de Durkeim, Weber ou Simmel sur ce blog. Mais je ne peux résister au plaisir de partager cette photo récemment prise non loin de chez moi.


Difficile de dire si la figure de Marx et le "Marx aime ça" sont l’œuvre de la même personne. Il est possible que le texte et la main soient un ajout au pochoir du barbu. Voilà en tout cas un graffiti qui organise la rencontre entre le mur réel et le mur virtuel, celui de Facebook d'où est tiré - est-il besoin de le rappeler - le "aime ça/likes it".

D'ailleurs, ce n'est pas la seule mention de cette expression sur un mur "analogique" que j'ai trouvé. Etant retourné dans les toilettes que j'ai très modestement contribué à rendre célèbre (pour des toilettes, hein...), j'ai pu prendre cette nouvelle photo :


Le dialogue a donc continué, et cette mention du "j'aime", accompagné du dessin sans ambiguïté du fameux pouce levé, s'est tout naturellement inséré dans la conversation. Alors, contamination du réel par le virtuel ? Pas vraiment : ce serait plus un échange, Facebook ayant bien emprunté l'idée de mur/wall comme lieu d'expression publique ou semi-publique au graffiti et au street art.

On peut filer la métaphore : qu'est-ce que ce mur sinon une forme de troll, dans le sens qui a été donné à ce mot sur Internet ? Après tout, Wikipédia, qui ne peut qu'être une référence extrêmement légitime sur ce sujet, définit ainsi le troll :

Un troll est une action de nature à créer une polémique en provoquant les participants d’un espace de discussion (de type forum, newsgroup ou wiki) sur un réseau informatique, notamment Internet et Usenet. Le mot désigne également un utilisateur qui a recours à ce type d’action.

Par métonymie, on parle de troll pour un message dont le caractère est susceptible de générer des polémiques ou est excessivement provocateur, ou auquel on ne veut pas répondre et que l’on tente de discréditer en le nommant ainsi.

Certains messages laissés sur des murs bien réels s'apparentent bien à ce type d'attitude. En témoigne celui-ci, toujours tiré du même affrontement, que je soupçonne d'être la réponse de l'auteur du message originel qui appelait déjà de ses vœux une nouvelle commune :


Cela permet de comprendre que ce n'est pas Internet qui a fait naître une pratique comme celle du troll. C'est bien plutôt une forme particulière de dialogue qui conduit à ce genre de réaction. Non pas tellement, comme on pourrait a priori le penser, l'anonymat que partagent le graffiteur avec le posteur, mais plutôt la multiplicité des intervenants et des spectateurs. Dans un tel contexte, la principale difficulté est d'obtenir une réaction des autres : le fameux "I like it" que partagent ici mondes réel et virtuel (bien que cette distinction n'est pas vraiment de sens...). Rien n'est pire qu'un message sans réponse. Dès lors, pour obtenir en fait une forme de validation qu'est la réponse, le troll devient une solution viable.

Une fois de plus, le débat politique plus classique n'est pas éloigné de cela. Là aussi, il faut conquérir une existence au travers des réactions des autres, médias ou politiques. Là aussi, les mêmes stratégies, petites phrases chocs et provocations, ont le même rendement. Dès lors, on ne devrait pas s'étonner que ce soit les meilleurs trolleurs que l'on entendent le plus. Une fois de plus, la forme même du dialogue y contribue, sans tout expliquer. On ferait sans doute bien d'y réfléchir.
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